En France, la ludothérapie n’est pas encore une pratique bien répandue. Pourtant, depuis quelques années, le jeu et le jouet ont le vent en poupe. Le fait de jouer devient plus crédible aux yeux des adultes qui y voyaient une perte de temps. Les mécanismes du jeu se joignent à des domaines a priori opposés.
Le secteur de la santé y voit aujourd’hui les clés pour décrypter, voire soigner les détresses psychologiques profondément enfouies. Découvrez cette pratique thérapeutique qui met à l’honneur le ludique au cœur du processus de soin.
Qu’est-ce que la ludothérapie ?
La ludothérapie est une méthode de soin qui utilise les bienfaits thérapeutiques du jeu. Elle peut aider les patients à surmonter leurs souffrances psychiques. Le jeu et le jouet sont nécessaires au développement physique, cognitif, émotionnel et intellectuel de chaque individu.
Pourquoi utiliser le jeu comme outil thérapeutique ?
Comme pour les animaux qui s’y adonnent naturellement, le jeu fait partie intégrante de notre développement depuis notre naissance. Le bébé découvre le monde par ses sens et développe son imagination en jouant. Les bienfaits du jeu ont longtemps été sous-estimés. Pourtant, pour l’enfant qui ne sait pas encore manier la langue, les thérapies parlées ont moins d’effets.
On pourrait dire que le jouet représente le mot et le jeu signifie la première phrase de l’enfant. Le jeu permet l’action spontanée, l’expression des désirs mais aussi des peurs et des besoins inhibés. Dans un processus de soin, le jeu et le jouet entrent en scène. Ils offrent au tout-petit (première population concernée par la ludothérapie) une mise à distance psychologique et sécuritaire. Rassuré, celui-ci peut alors s’exprimer librement en manipulant divers objets sous le regard du ludothérapeute.
La ludothérapie a vu le jour au tournant du XXème siècle. Elle fait aujourd’hui l’objet d’une grande attention de la part des professionnels de santé et de la petite enfance.
La thérapie par le jeu, une pratique bien plus ancienne que l’on croit
Aristote et Platon parlaient déjà du jeu comme un moyen d’expression à part entière.
Au XXe siècle, le psychanalyste Donald Winnicott, a étudié les bénéfices de la thérapie par le jeu chez les enfants. Pour Winnicott, « c’est en jouant et seulement peut-être quand il joue que l’enfant ou l’adulte est libre d’être créatif ». De ce fait, il peut utiliser sa personnalité toute entière. Dans son ouvrage Jeu et Réalité, Winnicott prouve l’importance de la création libre par le biais du jeu et de l’espace potentiel. C’est un point essentiel dans le développement affectif d’un individu.
La privation du jeu pour un enfant participe à son appauvrissement culturel.
La ludothérapie, une pratique répandue ?
La ludothérapie, nommée comme telle, est encore une pratique balbutiante en Europe. En France, les praticiens sont souvent des professionnels de la psychiatrie. Ils intègrent de nouvelles méthodes de soin dans leur pratique courante. Au Canada, il existe des professionnels formés uniquement dans le seul but d’exercer la thérapie par le jeu. La formation officielle est délivrée par l’Association Canadienne pour l’Enfance et Play Therapy. Au Royaume-Uni, c’est l’Organisation Play Therapy International qui, depuis 1998, réglemente la thérapie par le jeu.
La ludothérapie en pratique
Si la thérapie par le jeu s’adresse davantage aux enfants, ses bienfaits sont largement reconnus sur des populations plus âgées. Cette pratique de soin tend à se développer par le biais de méthodes aussi surprenantes qu’efficaces.
La ludothérapie, pour qui ?
En théorie, la ludothérapie s’adresse à tous ceux qui éprouvent le besoin d’exprimer un trouble psychologique. En pratique, la thérapie par le jeu s’adresse davantage aux enfants entre 3 et 12 ans. L’enfant a naturellement besoin du jeu. Au sein des camps de concentration, les enfants jouaient aux gardiens et aux prisonniers. Une mise à distance nécessaire afin de supporter les conditions abominables de détention.
Le jeu de faire-semblant permet à l’enfant de rejouer des scènes parfois très dures de sa vie. Ce processus cathartique va ainsi l’aider à faire face à des situations réelles et à les surmonter. La ludothérapie est nécessaire aux plus petits dont le langage verbal n’est pas encore mûr. Pour les plus grands, c’est souvent le support du jeu de société qui est utilisé à des fins psychiatriques. Feelings, le jeu des émotions ou Dixit en sont des bons exemple.
Développé par les pédopsychiatres Nicole Catheline et Daniel Marcelli, le jeu La 8e dimension s’adresse aux 14 à 20 ans. Il s’agit d’un outil-jeu facilitant la verbalisation et l’expression chez des jeunes présentant des troubles du comportement. Chaque joueur pioche une question autour d’un sujet de la vie courante et propose une réponse. Le reste du groupe est alors invité à voter et à argumenter le choix du joueur. Par exemple : « Peut-on tout accepter par amitié ? »
Qu’en est-il des adultes ?
Devenus grands, nous avons plus de mal à nous laisser tenter par le jeu. Il s’agit surtout d’une norme sociétale : jouer ne fait pas sérieux. Pourtant, dans le domaine de la santé mentale, le recours au soin par le jeu augmente. Les adultes préfèrent souvent les rendez-vous en face-à-face mais apprécient les jeux auprès d’ergothérapeutes ou rééducateurs.
Le jeu éducatif et sensoriel est souvent utilisé afin de stimuler les compétences cognitives de nos aînés. Le jeu et le jouet ne sont pas les seuls outils de thérapie alternative. Le livre intervient de plus en plus au sein de processus de soins.
Les bonnes pratiques d’une séance de ludothérapie en cabinet
Chaque ludothérapeute adapte ses méthodes en fonction du profil de ses patients et de leurs problématiques. Cependant, la posture clé est la même que celle de l’art-thérapeute. Fixer peu de limites et ne pas chercher nécessairement à interpréter. Les outils et jeux employés peuvent être variés : jeux corporels, de cartes, créatifs ou encore imaginaires, tout est possible. L’intérêt est d’encourager l’expression des sentiments et de la créativité par le biais de scénarios de la vie courante.
Les jouets au service du jeu de faire semblant sont alors conseillés pour les plus jeunes (dînette, poupée ou faux téléphone). On observe aussi une arrivée des technologies de réalité virtuelle comme des casques VR dans les cabinets de thérapeutes. Une manière efficace de lutter contre certaines phobies comme la peur du vide par exemple.
Platon disait « vous pouvez en apprendre plus sur une personne en une heure de jeu qu’en une année de conversation »
La thérapie par le jeu connaît un intérêt grandissant parmi les professionnels de la santé mentale. Cependant, des progrès restent encore à faire. Cette pratique devient monnaie courante dans la plupart des pays anglophones, mais la France n’y accorde pas encore beaucoup d’importance. C’est aussi le cas pour l’Art Thérapie que nous vous invitons à découvrir.
Et vous ? Connaissiez-vous la ludothérapie ?
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Article concocté par Ariane Guizard