La population est-elle vraiment couverte de crasse au Moyen Âge ? Vit-elle dans des habitations non entretenues ? L’hygiène est-il vraiment si déplorable ?

Le Moyen Âge est l’une des périodes historiques les plus longues de notre histoire. Près de 10 siècles séparent la chute de l’Empire romain d’Occident et le début des Grandes Découvertes. Les évolutions politiques, scientifiques et sociétales sont très marquées. Le Moyen Âge est souvent dépeint comme une période sombre et sale. Associée aux guerres, famines, épidémies, et au manque d’hygiène. Bien loin du personnage de Jacquouille la Fripouille dans Les Visiteurs, les habitants au Moyen Âge prennent soin d’eux. Le mot « hygiène » n’existe pas encore. Les pratiques tendent néanmoins à faire attention à son corps et à son espace de vie.

L’influence de la médecine

La première école de médecine en Europe ouvre ses portes à Salerne, en Italie. Son enseignement se base sur les principes hérités des Grecs et des Romains. Dès le XIe siècle, la médecine arabe y trouve sa place. Vers 1060,  La Médecine selon le régime sanitaire de l’école de Salerne devient un guide pratique listant des conseils d’hygiène. Se peigner les cheveux tous les jours, se raser, se laver les dents mais également bien manger, dormir suffisamment, … 

Les médecins préconisent une toilette quotidienne à l’eau et peuvent prescrire un bain pour soigner des rhumes ou certaines maladies.

« Pathologie : furoncles », Livre de Propriétés des Choses, Barthélemy l'Anglais, fin XVe siècle (source : Bibliothèque nationale de France)
« Pathologie : furoncles », Livre de Propriétés des Choses, Barthélemy l’Anglais, fin XVe siècle (source : Bibliothèque nationale de France)

Le rôle de l’eau

Dans une période à forte mortalité, la population sait qu’une bonne santé va de pair avec une bonne hygiène corporelle. Et quoi de mieux que l’eau pour se laver ? Cela peut nous paraître évident aujourd’hui, mais dans l’Histoire, ce ne l’est pas toujours. 

Elle est au cœur de l’hygiène corporelle avant tout parce qu’au Moyen Âge, l’eau est le symbole de la purification. Dans la religion chrétienne, influente en Europe, le corps est l’instrument du péché et le moyen de sauver son âme. Or, un corps sain reflète une âme saine. C’est pourquoi les parties du corps les plus lavées sont les mains et les pieds, comme dans les textes saints.

Pèlerins se baignant dans les eaux du Jourdain. Détail d’une illustration du Liber de quibusdam ultramarinis partibus, Guillaume de Boldensele, vers 1410 (source : wikicommons)
Pèlerins se baignant dans les eaux du Jourdain. Détail d’une illustration du Liber de quibusdam ultramarinis partibus, Guillaume de Boldensele, vers 1410 (source : wikicommons)

Se laver : comment et avec quoi ?

Se laver devient une habitude dans les villes et les campagnes, dans les classes populaires et les familles plus aisées. 

Dans les demeures les plus riches, on installe des cuviers. Ancêtre de la baignoire, il se compose de bois cerclé doublé d’une toile. Le cuvier est rempli d’eau préalablement chauffée. Pour se laver, on utilise des sels puis un savon de sarrasin (aujourd’hui appelé savon d’Alep). Certaines familles possèdent même des « bains », inspirés des bains antiques. Ces étuves fonctionnent sous le même principe qu’un hammam. Ceux du château de Guéméné-sur-Scorff voient le jour à la fin du XIVe siècle gràce aux Rohan. Cette famille est l’une des plus anciennes de la noblesse bretonne.

Dans les villes, des étuves publiques ouvrent tous les jours sauf les dimanches. Ce sont de véritables lieux de vie. À la campagne, les habitants profitent des cours d’eau et des ruisseaux. Ils utilisent également un savon, le savon de suif, composé de cendres et de graisse de bœuf ou de mouton.

Un homme dans un cuvier - Codex Manesse, entre 1305 et 1340 (source : wikicommons)
Un homme dans un cuvier – Codex Manesse, entre 1305 et 1340 (source : wikicommons)

L’hygiène domestique

Les pratiques d’hygiène, que l’on retrouve dans  le Ménagier de Paris, concernent également l’intérieur des habitations. Il faut « balayer et tenir impeccable […] votre maison », « aérer et inspecter » le linge de maison et les vêtements. On y trouve des conseils pour chasser les insectes, comme l’installation de cordons imbibés au miel pour capturer les mouches.

À la ville comme à la campagne, un soin tout particulier concerne la chambre à coucher. Elle sert souvent de pièce de vie car elle est, en dehors de la cuisine, dotée d’une cheminée. Au pied du lit se trouve un coffre où on range le linge. Que l’on aura préalablement lavé à l’eau chaude et au savon. Les textiles sont pliés et conservés dans ces coffres pour éviter les infestations de puces et de poux.

L’évolution des villes

Contrairement à l’intérieur des lieux d’habitation, les villes sont au Moyen Âge sales et insalubres. La population sait qu’une bonne hygiène apporte une vie saine et ne connaît pas les problèmes liés au manque d’hygiène. Les eaux usées et les déjections sont lancées par les fenêtres et stagnent dans les rues étroites et encombrées. Cela entraîne la prolifération des maladies (typhus, fièvre typhoïde, variole, lèpre) et des rats, porteurs de maladies comme la peste. C’est de cette réalité que vient l’idée d’un Moyen Âge sans hygiène. La mortalité est d’ailleurs plus élevée dans les villes qu’à la campagne. 

Le Moyen Âge tardif voit les épidémies se multiplier. La grande peste noire fait plus de 25 millions de morts en Europe entre 1346 et 1353. La promiscuité notamment dans les étuves publiques accélèrent la propagation des maladies. On commence alors à penser que l’eau transmet les maladies.

Bains publics - Manuscrit Facta et dicta memorabilia, Valerius Maximus, traduit par Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse, vers 1400-1425 (source : wikicommons)
Bains publics – Manuscrit Facta et dicta memorabilia, Valerius Maximus, traduit par Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse, vers 1400-1425 (source : wikicommons)

La prolifération des maladies et les pandémies liées aux pratiques douteuses dans les étuves publiques entraînent une défiance contre l’eau. L’hygiène corporelle se détériore et à la Renaissance, les bains ne sont plus plébiscités. Des lavages au vin et l’utilisation de parfum ou de crème pour masquer l’odeur et purifier l’air sont communs.

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Article concocté par Alexandra Monet ,

Passionnée d’Histoire et de patrimoine, j’ai eu la chance de commencer ma carrière entre les colonnes de Notre-Dame de Paris, et de la poursuivre sur les pas de Madame de Maintenon et de Simone Veil. Je n’en oublie pas la musique, pratiquant guitare et piano, chantant cantiques et airs d'opéra, à qui veut bien m’écouter.

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