Nous connaissons tous l’histoire d’Harry Potter, la trilogie du « Seigneur des Anneaux » et la saga du « Trône de Fer ». Leur popularité mondiale, en ce 21e siècle, est l’image même de la success story de la littérature fantasy.

Longtemps considérée en France comme une paralittérature, la littérature fantasy est pourtant riche d’une histoire longue de plus d’un siècle. Proche du genre merveilleux et inspirée de traditions culturelles anciennes, elle se développe entre le Royaume-Uni et les États-Unis, jusqu’à devenir à la fin du 20e siècle l’un des genres les plus populaires du monde occidental. Petit parcours initiatique.

A la source de la fantasy

Forêt magique, par ©Johannes Plenio (Unsplash)
Forêt magique, par ©Johannes Plenio (Unsplash)

Afin de définir le genre de la littérature fantasy, il est nécessaire de se pencher sur ses origines. Apparue dans l’Angleterre victorienne de la seconde moitié du 19e siècle, elle naît d’une quête de sens, d’un besoin de ré-enchanter un monde sur-rationalisé et bouleversé par l’industrialisation massive.

C’est ainsi que certains auteurs se réfugient dans le merveilleux des contes pour enfants. Ces derniers, issus de la tradition orale du Moyen-Âge et des folklores qui lui sont associés constituent la source première de la littérature fantasy. C’est aussi à cette époque que certains s’attachent à découvrir les racines de leur culture, et qu’on redécouvre certains mythes et légendes, notamment celtiques.

Scène de la légende arthurienne, « The Lady of Shalott » - 1888 par le peintre préraphaélite John William Waterhouse
Scène de la légende arthurienne, « The Lady of Shalott » – 1888 par le peintre préraphaélite John William Waterhouse

On retrouve l’influence du merveilleux chez William Morris, précurseur du genre et auteur de récits initiatiques qui se déroulent dans des mondes imaginaires tels que Le Bois au-delà du monde (1894) ou Le lac aux îles enchantées (1897). Avant lui, Walter Scott, avait déjà ouvert la voie en mêlant légendes et Histoire, comme dans sa Dame du Lac (1810).

La terre originelle

La figure du dragon est elle aussi très importante / Dragon Horntail Hongrois à Universal Studio ©Craig Adderley (Pexels)
La figure du dragon est elle aussi très importante / Dragon Horntail Hongrois à Universal Studio ©Craig Adderley (Pexels)

Au tournant du 20e siècle, dans le Royaume-Uni de l’après Première Guerre Mondiale, la nécessité de compenser une perte de repères se fait d’autant plus présente. Certains, comme Arthur Conan Doyle dans The Coming of the fairies (1922) défendent l’existence des fées. D’autres, comme Lord Dunsany avec La Fille du roi des elfes (1924) écrivent des contes féériques.

Le succès de la littérature fantasy ne survient cependant que plus tard, lorsque le cercle littéraire des Inklings lui donne ses premières lettres de noblesse. Ce club fondé dans les années 30 et actif jusqu’à la moitié des années 60 permet en effet une forte émulation entre ses membres, dont les écrits font rapidement office de référence.

Hobbiton, village des hobbit ©Thandy Yung (Unsplash)
Hobbiton, village des hobbit ©Thandy Yung (Unsplash)

Les plus connus d’entre eux sont écrits par C.S. Lewis et J.R.R. Tolkien. Déjà célèbre à l’époque, Lewis publie le fameux Monde de Narnia entre 1950 et 1956. Son œuvre est profondément teintée de recherche spirituelle. Tolkien, plutôt philologue, s’attache à donner un lieu d’expression aux langues qu’il a créées. L’ensemble de son travail constitue un univers fictionnel complet, cohérent et autonome. Et c’est là que tout son génie s’exprime. En témoigne le succès de la publication du Hobbit en 1937, et de la trilogie du Seigneur des anneaux vingt ans plus tard.

Le monde au-delà des mers

Couverture du Weird Tales publié en mai 1934, par Margaret Brundage (Wikimédia)
Couverture du Weird Tales publié en mai 1934, par Margaret Brundage (Wikimédia)

La littérature fantasy telle que nous la connaissons aujourd’hui doit aussi beaucoup à son développement simultané outre-Atlantique. À partir des années 60, l’interprétation états-unienne  devient même prépondérante. Et les pulps, ces magazines bon marché et populaires, qui présentent les récits fantasy sous forme de feuilleton d’aventures en sont le vecteur principal. Le meilleur exemple en est la saga Conan le Cimmériende Robert E. Howard et sa postérité.

De fait, ses aventures, tout comme celles d’Elric (Michael Moorcock) et des personnages du Cycles des épées (écrit par Robert E. Howard entre 1970 et 1988), contribuent à définir et fixer les codes du genre. On y retrouve les aventures de personnages typiques (le guerrier barbare, le voleur rusé, l’apprenti magicien) au prises avec des dieux sadiques ou de sombres forces magiques.

Dès lors, la littérature fantasy connaît une grande popularité. Elle se diversifie en multitude de sous-genres, de la désormais classique heroic fantasy (Roger Zelazny), à la dark fantasy (Stephen King) ou même au steampunk, qui réinvente le 19e siècle en s’inspirant d’auteurs comme Jules Verne.

   Participants de la Dragon Con 21 ©Heather Miller (Flickr) CC BY-NC 2.0
   Participants de la Dragon Con 21 ©Heather Miller (Flickr) CC BY-NC 2.0

Tout un monde se crée autour de la fantasy : des fandoms (groupes de fans), des conventions, des fanzines (magazines édités par des fans), des fanfictions (histoires dérivées), etc. C’est aussi  à ce moment-là qu’apparaissent les premiers jeux de rôle et que l’illustration fantasy fait sa grande entrée en scène.

Un triomphe sans fin

Au cours des dernières décennies du 20e siècle et jusqu’à maintenant, la littérature fantasy a connu une ascension triomphante. L’identité du genre y est définitivement fixée en une combinaison des courants anglais et américain. À tel point que certains la parodient, comme Terry Pratchett avec ses hilarantes Annales du Disque-monde ou John Lang avec le Donjon de Naheulbeuk. 

Jusque-là plutôt cantonnée au monde anglo-saxon, la littérature fantasy compte dorénavant des auteurs-phares aux quatre coins de l’Europe : Wolfgang Holbein en Allemagne, Javier Negrete en Espagne, Andrzej Sapkowski en Pologne… Elle est extrêmement bien représentée en France, depuis Mathieu Gaborit, Estelle Faye ou encore Pierre Pevel, en passant par l’incontournable Alain Damasio.

The Witcher ©Danieloov (Pixabay)
The Witcher ©Danieloov (Pixabay)

Le boom a lieu dans les années 2000, avec la publication de la série Harry Potter de J.K. Rowling et l’adaptation sur grand écran de l’œuvre de Tolkien. S’y ajoute l’avènement des jeux vidéo et de la « culture geek ». Tout cela combiné cause une explosion de la production et une omniprésence du genre.

Qu’elle soit pour enfant ou pour adulte, la littérature fantasy est désormais au panthéon des grands genres littéraires

En témoigne d’ailleurs le travail encyclopédique fourni par la BnF à ce sujet. Certains textes sont déjà des classiques, d’autres sont en passe de le devenir. Et la conquête du reste du monde est en cours, comme en témoigne sa présence dans milieu du manga, par exemple dans l’excellente série L’Atelier des sorciers de Shirahama Kamome.

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Par  Ophélie Gasiglia ,

Culturomaniaque toujours en vadrouille, je suis une habituée du syndrôme de Stendhal. Véritable couteau-suisse des métiers du livre et de la culture, je suis à la fois libraire aux goûts éclectiques, jeune rédactrice et aspirante traductrice. Mes marottes : les mythes et légendes, les cultures hispaniques, les danses du monde, et le chocolat !

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