Il y a près de 250 ans, la Révolution de Genève s’achève par la capitulation de la ville face aux Français, aux Sardes et aux Bernois. Une partie de la population genevoise s’était rebellée contre le gouvernement en place pour réclamer des droits plus égalitaires. Ce soulèvement débuta par les Représentants, influencés par les idées du philosophe Jean-Jacques Rousseau.

Au XVIIIe siècle, Genève est une république aux classes sociales très strictement définies. Le gouvernement est alors dirigé par les patriciens du Petit Conseil. Celui-ci condamne les œuvres de Jean-Jacques Rousseau, jugées trop libertaires. Inspirés par ces écrits, des citoyens prennent le contrôle de la ville par la force pour s’octroyer plus de droits. Le précédent gouvernement étouffe cette révolution avec le soutien des armées françaises, sardes et bernoises. De nombreuses traces de cet épisode de l’histoire suisse perdurent de nos jours jusqu’en France.

Le XVIIIe siècle genevois : âge d’or et bouleversements

La fin de l’époque moderne est une période florissante pour Genève, idéalement située au bord du Lac Léman. Il s’agit alors d’une République gouvernée par le Petit Conseil. Celui-ci est composé d’aristocrates, les patriciens. La population est divisée entre les étrangers et les habitants (étranger ayant obtenu le droit de demeurer à Genève). Ainsi que les natifs (nés à Genève de parents habitants ou natifs), les bourgeois et les citoyens. Ces deux catégories sont au sommet de la hiérarchie sociale et juridique de Genève. Ils sont les seuls à disposer de droits civils et politiques. Ils détiennent la majorité de la fortune de la ville.

C’est précisément entre ces deux groupes que prend racine la Révolution genevoise. En effet, depuis 1589, le Petit Conseil, organe politique central de la ville, peut être intégré par cooptation. Cela a entraîné une monopolisation de la politique par l’aristocratie citoyenne. Ceux-ci dirigent donc Genève sans consulter les bourgeois.

Un autre facteur de la révolte a trait à la gestion de l’économie. Les citoyens mettent en effet leur pouvoir politique au service de leurs intérêts financiers personnels. Cette orientation désavantage les classes sociales inférieures et provoque un mécontentement social global.

L’influence de Jean-Jacques Rousseau

Portrait de Jean Jacques Rousseau
Portrait de Jean Jacques Rousseau

La vision de la politique développée par le philosophe infuse parallèlement les mentalités et contribue à cette évolution. Né à Genève en 1712, il est l’auteur du Contrat social et du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Dans ces ouvrages, il développe l’idée du caractère naturellement bon de l’humain, qui n’est corrompu que par la société. 

Dans son Contrat social, Rousseau explique qu’une société juste repose sur l’égalité et la liberté. Selon lui, ces deux grands principes doivent s’appliquer à tous les citoyens. Il établit que chacun doit renoncer à ses droits individuels ou naturels pour parvenir à l’égalité sociale. C’est ce traité qui sert de terreau à la Révolution naissante.

Le Discours est en revanche plus axé sur le thème de la propriété privée. Rousseau y écrit que celle-ci est à la racine des inégalités. Elle entraîne une violence liée à l’amour-propre : l’homme exige d’avoir toujours plus afin de se trouver au-dessus de l’autre. Ces considérations liées à la répartition des richesses constituent un autre fondement du soulèvement social genevois.

Des premiers soulèvements à la Révolution

Principes du droit politique, JJ Rousseau
Principes du droit politique, JJ Rousseau

Les idées rousseauistes deviennent de plus en plus populaires dans les classes sociales supérieures genevoises. Elles renforcent la contestation de la politique des élites de la ville. Un premier soulèvement se met alors en place en 1707. Il est mené par un avocat, Pierre Fatio. Cependant, la révolte est rapidement étouffée par les armées de Berne et Zurich. Fatio est ensuite emprisonné et exécuté. Trente ans plus tard, les milices bourgeoises se révoltent à leur tour. Le conflit est désamorcé par la France. Le pays propose en effet un texte d’arbitrage accordant davantage de liberté économique aux natifs. 

Un tournant s’opère en 1762 lorsque le Petit Conseil condamne le Contrat social et Émile ou de l’Éducation de Rousseau. Ces ouvrages sont alors accusés de porter préjudice à la chrétienté et à toute forme de gouvernement. Des citoyens protestent auprès des dirigeants genevois. Craignant une répression, de nombreux natifs commencent à fuir la ville. Une partie d’entre eux trouvent refuge en France, à Ferney, près de l’actuelle frontière suisse.

C’est seulement en 1781 que les bourgeois et les natifs renversent le gouvernement par les armes. Dès leur arrivée au pouvoir, une première loi est votée. Celle-ci instaure l’égalité civile entre toutes les classes de la population genevoise. Ce coup d’État est historiquement reconnu comme la Révolution genevoise.

La capitulation de Genève et ses répercussions

Les aristocrates de la ville appellent cependant rapidement leurs alliés à l’aide. Louis XVI, alors roi de France, rallie trois armées : la France, la Sardaigne et Berne. Celles-ci assiègent la ville et le nouveau gouvernement capitule le 2 juillet 1782, un an et demi après avoir accédé au pouvoir. Les patriciens retrouvent leurs anciens postes. De nombreuses nouvelles lois, telles que celles instaurant la liberté de la presse, sont abolies. Les Cercles, groupes de discussions politiques, sont dissous.

Environ un millier de Genevois ayant participé au soulèvement quittent la ville pour Paris. Leurs idées libertaires inspirées de la philosophie rousseauiste ont par la suite influencé les Révolutionnaires français.

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Par Sarah Gouin-Béduneau ,

Sarah est historienne de l’art et s’est spécialisée dans la gestion du patrimoine culturel. Elle aime toutes les formes de création visuelle, s’intéresse énormément à la musique et au patrimoine industriel et travaille actuellement dans la conservation et la documentation des biens mobiliers.

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