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Officiellement aux mains de l’État, la censure en France est un outil politique dont peut aussi se saisir le grand public. Loin d’être mise au placard, elle enveloppe l’hexagone de bien des manières.

En France, la notion de censure est revenue en force début 2023. Notamment suite aux débats houleux suscités par la réforme des retraites. L’occasion de se questionner sur cette arme politique et économique qui n’a eu de cesse de déclencher de vives polémiques au fil du temps. Dans un contexte où le #metoo côtoie le #onnepeutplusriendire, c’est à se demander si la parole est plus libérée que bâillonnée.  

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Qu’est-ce que la censure ?

La censure est la restriction, partielle ou totale, de la diffusion d’un contenu par une autorité compétente. Après examen, des livres, articles, films, pièces de théâtre ou encore discours médiatiques sont susceptibles d’être jugés incompatibles avec l’idéologie dominante. Le cas échéant, leur partage dans l’espace public est tout simplement interdit, en amont (censure préventive) ou a posteriori. La censure peut être prononcée à l’égard de facteurs pluriels qu’ils soient culturels, esthétiques ou encore linguistiques.

Au cours de l’histoire de France, la censure a pris la forme d’une véritable arme politique. Aux mains d’un pouvoir autoritaire, elle limitait l’accès à des formes de pensées alternatives. Certaines œuvres culturelles représentaient alors un danger pour le système politique ou religieux établi. C’est ainsi que des écrits littéraires comme Gargantua de Rabelais, Les Misérables de Victor Hugo, Candide de Voltaire, Les Fleurs du mal de Baudelaire… Et des écrits scientifiques comme ceux de Copernic ou encore Galilée se sont vus étouffer pendant un temps.

Le système planétaire héliocentrique de Copernic (1510), gravure sur cuivre de Christoph Cellarius, in “Harmonia Macrocosmica, 1660”
Le système planétaire héliocentrique de Copernic (1510), gravure sur cuivre de Christoph Cellarius, in “Harmonia Macrocosmica, 1660”

La censure existe-t-elle toujours en France ?

Si elle semble venir d’un autre temps, la censure rôde toujours dans l’hexagone. En témoigne la menace dont a fait l’objet la publication du juge Clément Schouler, Vos papiers ! Que faire face à la police ?, par le ministère de l’intérieur au début des années 2000. Alors que l’auteur rappelle aux citoyens et citoyennes leurs droits lors d’un éventuel contrôle de police, il s’est vu attaqué en justice pour diffamation et injure publique.

L’ouvrage Suicide mode d’emploi de Claude Guillon qui plaidait en faveur du droit à s’ôter la vie dignement, est quant à lui toujours censuré en France. Publié dans les années 80, il est interdit à la vente pour risque d’incitation au suicide. Notamment suite aux plaintes déposées par des familles de personnes ayant mis fin à leurs jours.

Plus récemment, c’est Le fin mot de l’Histoire de France en 200 expressions décapantes de Nathalie Gendrot et Guillaume Meurice qui s’est vu bloqué par le groupe éditorial Editis. La raison : un trait d’humour sur Vincent Bolloré, propriétaire de la société Vivendi, elle-même détentrice de… la dite maison d’édition. Quelques mois plus tard, le dictionnaire humoristique est finalement publié chez Flammarion.

Enfin, les réseaux sociaux et leurs algorithmes s’érigent également en juges privés. Ils décident de façon arbitraire de la conformité d’un contenu. En 2018, Facebook a par exemple désactivé le compte d’un professeur des écoles français. Pourquoi ? Il avait publié une photo du célèbre tableau L’Origine du Monde de Gustave Courbet.

Vous l’aurez compris, la censure fait émerger des débats d’ordre moral.

Photo de Alex Haney sur Unsplash
Photo de Alex Haney sur Unsplash

Plusieurs formes de censure en France (et ailleurs)

La forme de censure évoquée jusqu’à présent est celle à laquelle on pense en premier lieu. Elle est visible, tangible, contrôlée. L’État est bien souvent aux commandes et s’appuie sur le système judiciaire. Ce dernier est chargé de surveiller les informations partagées et de prononcer, si nécessaire, des sanctions. On parle de censure directe.

Selon plusieurs philosophes, il existe cependant un second mode opératoire, plus insidieux. Il grignote les contours de la liberté d’expression en France, c’est la censure indirecte. Elle n’est pas impulsée par une entité répressive clairement identifiée. D’où son aspect de main invisible. Mais fait son lit dans des mécanismes d’origine structurelle. Pierre Bourdieu, entre autres, nous parle d’une censure structurale. Dans un premier temps, elle silencie et décrédibilise la parole de groupes minoritaires. Ceux soumis à une domination socio-culturelle considérée comme normative. Dans un second temps, elle se traduit par une autocensure inconsciente des individu·e·s. Dans la mesure où chacun·e s’exprime selon les intérêts propres à son statut et groupe social.

Livre Langage et pouvoir symbolique, Pierre Bourdieu (2001)
Livre Langage et pouvoir symbolique, Pierre Bourdieu (2001)

En 2021, Titiou Lecoq rejoint partiellement ce constat. Elle met alors en lumière l’invisibilisation dont sont victimes les femmes dans les manuels d’histoire. Dans son essai Les Grandes Oubliées, elle redonne leurs voix à celles qui ont écrit, dirigé, milité, créé ou encore lutté. Celles qui, d’une certaine manière, ont été censurées.

On ne peut plus rien dire ?

Si la parole de certains, et surtout de certaines, est passée sous silence, d’autres ne le sont probablement pas assez. Mais face à une remise en cause de plusieurs propos par l’opinion publique, une phrase devenue caricaturale est souvent brandie haut et fort : “on ne peut plus rien dire”. On remarquera qu’elle est souvent précédée d’un “ohhhhh ça va”.

Est-ce bien vrai ?

Rappelons que la liberté d’opinion – si tant est qu’elle puisse réellement exister comme s’interroge la philosophe Hannah Arendt – et la liberté d’expression sont deux choses différentes. Alors que la première n’est pas régulée, la seconde, loin d’être absolue, tombe bel et bien dans le cadre de la loi. Aussi est-il interdit de proférer des propos haineux, racistes, sexistes ou xénophobes.

Citation d’Hannah Arendt sur la liberté d’opinion, QQ citations
Citation d’Hannah Arendt sur la liberté d’opinion, QQ citations

Alors que la parole est précisément en train de se libérer, certaines personnes crient donc à la censure.

Dans une tribune parue dans le journal Le Monde,

Denis Ramond, chercheur en sciences politiques, explique que l’expression “on ne peut plus rien dire” est non seulement fausse, mais déplace aussi le curseur hors du problème. Une remise en question du contenu des discours tenus est en effet rarement entreprise par leurs émetteurs ou émettrices.

Selon lui, elle “ne désigne en réalité pas une censure, mais une situation nouvelle, en Europe du moins, où des choses qui passaient sans faire de bruit suscitent désormais des débats”. Il ajoute qu’on “peut y voir paresseusement, et avec un usage imprécis des termes, de nouvelles censures, mais on peut y voir aussi l’élargissement du débat démocratique et la preuve de notre inépuisable ressource critique”.

Néanmoins, dans ce genre d’affaires, les condamnations légales se font rares

Photo de Shelagh Murphy sur Unsplash
Photo de Shelagh Murphy sur Unsplash

Aussi celles et ceux qui déplorent la radicalisation du politiquement correct sont finalement surtout embêté·e·s de ne plus pouvoir dégainer un arsenal de blagues pour le moins douteuses. Blagues dont ils ou elles font rarement l’objet, on en conviendra.

Face à ce constat, une nouvelle forme de censure non officielle, portée par les citoyennes et citoyens de France et du monde, prend de plus en plus d’ampleur : la cancel culture.

Début 2023, elle fait ses preuves quand après de nombreuses pressions, la participation de Bastien Vivès à la 50ème édition du Festival International de la Bande-Dessinée d’Angoulême est annulée. Rappelons que ce dernier est accusé de propos pédophiles et de représentations pédopornographiques par plusieurs associations de défense des droits de l’enfance.

Alors… À qui le tour ?

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Par  Charlotte Combret ,

Rédaction de contenus

Rédactrice web SEO indépendante, j’aime creuser des sujets et soulever des questions. Aussi bien adepte de la prose de Mona Chollet que de celle de Damso, mes articles sont souvent le fruit d’influences culturelles très diverses. Utopiste et hypersensible, mon écriture se veut avant tout inclusive, dans tous les sens du terme.

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