Son caractère affirmé et son amour des arts ont forgé sa légende. Reine de France, puis d’Angleterre, Aliénor d’Aquitaine est une figure centrale du Moyen Âge. Suivez le chemin tumultueux d’une femme hors du commun !
Qu’aurait été le Moyen Âge sans Aliénor d’Aquitaine ? Fine et cultivée, elle fut une protectrice des arts et inspira les poètes de son temps. Forte et insoumise, elle tint tête aux hommes, dont ses maris, pour défendre son indépendance. Deux fois reine, dix fois mère, elle est parfois surnommée la « Grand-mère de l’Europe ». Partez à Poitiers, Constantinople et Fontevraud, sur les traces de la plus célèbre duchesse d’Aquitaine.
À la cour des ducs d’Aquitaine
Aliénor d’Aquitaine naît vers 1122, près de Bordeaux. Elle est la petite-fille de Guillaume IX d’Aquitaine, dit Guillaume le Troubadour. Ce dernier a réuni une cour brillante en son palais de Poitiers, où grandit Aliénor. Elle y reçoit une éducation soignée, apprend le Latin et fréquente les troubadours.
Elle perd sa mère à l’âge de 8 ans, puis son père, sept ans plus tard. Aliénor se retrouve alors à la tête du plus vaste domaine de France. Le duché d’Aquitaine s’étend en effet des Pyrénées jusqu’à la Loire et l’Auvergne. Riche et puissante, elle est l’un des meilleurs partis d’Europe. Son suzerain, Louis le Gros, décide de l’unir à son fils, le futur Louis VII. Le mariage a lieu le 25 juillet 1137, à la cathédrale Saint-André de Bordeaux. Moins d’un mois plus tard, son mari monte sur le trône. À 15 ans, Aliénor d’Aquitaine devient reine de France !
De Paris à Constantinople
La jeune souveraine trouve la vie à la cour de France bien morose… Elle fait donc venir des troubadours et des chevaliers pour organiser joutes et tournois, comme à Poitiers. Elle lance également la mode des couleurs vives et introduit de nouveaux aliments à table, comme les confitures. Son mari, Louis VII, est impressionné par cette épouse vive et sensuelle. Cependant, il se montre aussi jaloux de tous ces hommes qui se pressent autour d’elle.
Pendant 15 ans, Aliénor accompagne son mari partout. Elle devient d’ailleurs la première reine de France à partir en croisade, en 1147. Le mystère et le luxe de l’Orient fascine la jeune femme, qui séjourne au palais de l’empereur Manuel Comnène, à Constantinople. Toutefois, cette expédition marque surtout une rupture dans son couple : trop différents, les époux ne s’entendent plus. Le 21 mars 1152, le mariage est annulé à l’abbaye de Beaugency. Qu’importe : quelques semaines plus tard, l’ex-reine de France se remarie avec Henri II d’Angleterre !
Poitiers, capitale de cœur
Henri II est couronné le 9 décembre 1154, en l’abbaye de Westminster, à Londres. Aliénor devient reine pour la deuxième fois de sa vie et ajoute son duché aux possessions anglaises. Tandis que son mari parcourt l’Empire Plantagenêt, elle retourne s’installer en Aquitaine. C’est là que vont grandir les nombreux enfants du couple, dont Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre.
La duchesse fait de Poitiers le centre de la vie courtoise et artistique du royaume. Elle y tient une cour lettrée et réalise de grands travaux. Entre 1192 et 1204, une nouvelle pièce, baptisée la salle des Pas Perdus, est aménagée au sein du palais. Elle fait également construire la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul à partir de 1160. L’édifice abrite encore aujourd’hui un vitrail exceptionnel représentant Aliénor, Henri II et quatre de leurs fils.
En parallèle, ses relations avec son mari se dégradent, Henri II multipliant les maîtresses. Pour une question de succession, Aliénor complote avec ses fils contre lui, mais celui-ci la fait emprisonner. La duchesse d’Aquitaine est enfermée au château de Chinon en 1173, puis au couvent de Salisbury et divers autres châteaux, en Angleterre. Sa captivité prendra fin en 1189, après la mort d’Henri II et le couronnement de son fils, Richard.
Aliénor et l’abbaye de Fontevraud
Aliénor d’Aquitaine a désormais 68 ans, mais elle est toujours aussi puissante et énergique. Tandis que Richard Cœur de Lion part en croisade, elle prend les rênes du royaume. Son autre fils, Jean sans Terre, s’est allié à Philippe Auguste, roi de France. Ce dernier veut s’emparer des possessions anglaises sur le continent et attaque Gisors, en Normandie. C’est elle qui accourt pour défendre la ville ! Au retour de Richard, elle se retire en l’abbaye de Fontevraud, dans l’actuel Maine-et-Loire, tout en gardant un œil sur la vie politique.
Aliénor entretient un rapport particulier avec cette abbaye angevine. À chaque étape importante de sa vie, elle lui accorde des donations particulières. C’est également là qu’elle fait inhumer Henri II, puis Richard Cœur de Lion, assassiné en 1199. À 78 ans, elle consacre ses dernières forces à l’union de sa petite fille, Blanche de Castille, avec Louis VIII. Elle s’éteint finalement le 31 mars 1204 et est inhumée à son tour à Fontevraud. Au sein de l’abbaye, son gisant la représente en train de lire, célébrant depuis des siècles le destin de cette femme exceptionnelle.
De fêtes en intrigues politiques, de guerres en poèmes, Aliénor d’Aquitaine a marqué de son empreinte le Moyen Âge européen. Deux siècles plus tard, une autre femme jouera un rôle décisif entre la France et l’Angleterre. Retrouvez le portrait de Jeanne d’Arc, héroïne de la guerre de Cent Ans.
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Par Gwennaelle Massart ,
