Katharine Hepburn, des léopards, un paléontologue, une robe de chambre, un petit chien et du grand n’importe quoi. Bringing up baby, c’est en ce moment sur TMC Cinéma, en location sur le site de la Cinetek, et c’est tout de suite dans C’est comme la confiture.

Crédits : Podcast proposé par Cultur’easy
Concept de Marion Labbé-Denis
Écriture et Voix de Marion Labbé-Denis
Musique Originale de Lucas Beunèche
Montage & Mixage de Lucas Beunèche
Conseil artistique : Caroline Garnier
Production artistique : Elodie Bedjai

Retranscription de l’épisode Bringing up Baby, du noir et blanc haut en couleurs

Pendant ma licence de cinéma, je me suis rendue compte de l’étendue de ce que j’ignorais. J’ai brutalement pris conscience que par rapport à certains de mes camarades, je manquais cruellement de références. Et que j’avais mille films à voir, à connaître, et à maîtriser.

Alors, pendant ma première année de fac, parfois je me réfugiais à la Bibliothèque Universitaire, la BU pour les intimes. Entre un cours en amphi sur le cinéma d’animation russe des années 10 et une initiation au Kathakali, une forme de théâtre qui se danse dans le Kerala au Sud de l’Inde (à ne pas confondre avec Bollywood). Je trouvais refuge dans la section Cinéma de la bibliothèque universitaire. Une zone peu fréquentée, et pourtant plein de surprise du campus de Rennes 2. 

En fait, dans cette partie de la bibliothèque, il y avait ce que j’ai envie d’appeler une salle de sieste. Une salle dans la pénombre avec des petites télévisions individuelles équipées de lecteurs de VHS. Dieu sait que les emplois du temps universitaires ressemblent parfois à des tranches de gruyères. J’avais donc du temps pour rattraper mon retard en journée, plutôt que de devoir passer mes soirées enfermée. Parce que bon, autant me réfugier entre deux cours dans cette salle de projection me semblait acceptable voire même plutôt appétissant. Particulièrement en plein hiver. Autant revoir des films, que dis-je des chefs d’œuvres, de l’expressionnisme allemand après une journée sur les bancs de la fac, ça me demandait un effort surhumain.

Oui, oui, je suis passionnée tout ça, tout ça. Mais c’est pas pour ça que je souhaite faire de ma vie un enfer hein, ça va.

Pardon, mais Le Cuirassé « Potemkine »… Ok, c’est un chef d’œuvre et il a révolutionné l’histoire du cinéma. M’enfin, tu vas pas me dire qu’une soirée binge-watching de films russes muets au sujet de la révolution, c’est la fête du slip, non plus. À mon avis, personne n’entamera une chenille pour mettre l’ambiance. Après, je dis ça, mais j’ai jamais tenté.

Régulièrement, j’allais donc faire un tour dans cette petite section de la bibliothèque. Soit je regardais un film que je m’étais noté parce qu’on m’en avait parlé en cours. Soit j’errais entre les étagères jusqu’à piocher un petit peu par hasard un film qui me semblait intéressant. Je pense que c’est comme ça que je suis tombée sur le film dont je m’apprête à vous parler. Il s’agit de Bringing up Baby qui en version française s’appelle L’impossible Monsieur bébé. Je crois qu’initialement c’est parce que j’ai confondu Audrey Hepburn avec Katharine Hepburn. J’ai dû voir Hepburn tout court et je me suis dit “Allez, depuis le temps qu’on m’en parle”. Et j’ai fini par comprendre que ce n’était pas du tout les mêmes personnes.

Les deux sont supers, mais je crois que mon idole ça restera toujours Katharine parce qu’elle est très très marrante. Et qu’on adore l’humour.

L*’impossible Monsieur Bébé* (Bringing up baby) c’est une comédie de 1938 qui a été réalisée par Howard Hawks.

C’est un réalisateur américain de ce qu’on a appelé l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Il a fait un peu de tout. À mon avis, lui aussi, il devait penser que choisir, c’est renoncer. Puisqu’il a signé des westerns, des films noirs, des comédies, des drames. Enfin clairement, il s’est illustré un peu dans tous les styles.

Je me souviens que lorsque j’ai découvert le film, j’ai été hyper surprise par les rires francs et massifs qui m’ont échappés. Je ne m’attendais pas à rire comme une baleine, et pourtant, je pense que j’ai dû perturber la sieste de pas mal de mes petits camarades.

L’Impossible Monsieur Bébé (Bringing up baby) : c’est l’histoire d’un mec un peu ennuyeux joué par Cary Grant, qui dans le film s’appelle David Huxley. Il est paléontologue comme Ross dans la série Friends. Il est focus sur ses recherches. Et il a l’air de prime abord assez raisonnable, très pro, mais pas hyper à l’aise socialement. Il va bientôt épouser sa secrétaire Alice, qui met énormément de distance entre eux et qui explique qu’ils sont pas là pour rigoler, qu’ils ont des recherches à boucler et que David doit aller voir un certain Mister Peabody pour le convaincre d’intercéder en sa faveur auprès de Madame Vance afin qu’elle subventionne ses recherches et lui donne un million de dollars. Oui, parce que Madame Vance, elle est riche. Le million, le million.

Sauf que… Dans son entreprise, il a le bonheur, tout dépend du point de vue, de rencontrer Susan Vance interprétée par Katharine Hepburn.

Susanne, c’est une riche héritière mais pas n’importe laquelle, c’est l’héritière de la fameuse Madame Vance qui a le potentiel million de dollars.

Susanne Vance, la nièce donc, c’est un genre de tornade. Tu croises son chemin et il t’arrive mille choses à la minute. Et pour un mec comme David Huxley qui se retrouve embarqué avec elle dans des histoires sans queue ni tête, ce n’est pas une mince affaire. Parce que David, il essaie de rester dans les codes, de faire ce qu’on lui dit, de se plier aux règles. Pendant que Susanne elle, elle fait n’importe quoi, mais elle passe super bien auprès du reste du monde. Et au final c’est celui qui s’accroche à la raison, David, qui passe pour un fou aux yeux des autres.

Au cours du film, Susanne elle s’entiche de David, et elle se débrouille pour qu’ils soient contraints et forcés de passer du temps ensemble.

Ils se retrouvent donc tous les deux avec un léopard dans les patounes, ils doivent l’emmener dans le Connecticut, mais là-bas, ils perdent un os du dinosaure dont David essaie de reconstituer le squelette, on pense que c’est George, le petit chien qui a l’os. Alors on se met à creuser dans le jardin et à courir après le petit chien. Et dans tout ça le léopard se fait la malle. Bref, c’est un joyeux bordel.

Ce film, c’est ce qu’on a appelle une Srewball Comedy, l’idée, c’est qu’on a deux personnages antagonistes qui se détestent un peu mais qui pour une raison x ou y sont forcés de se fréquenter pendant un temps. Ils apprennent à se connaître et finalement… ça fait des Chocapic. Ça vous rappelle quelque chose ? Moi, oui. Dans le scénario de Quand Harry rencontre Sally de Nora Ephron on retrouve un peu ces éléments, mais on y reviendra.

Une grande partie de la force des Screwball comédies c’est qu’elles reposent sur des dialogues hyper bien ficelés et un comique de situation bien rôdé.

Mais ce n’est pas tout, ces “Comédies Loufoques” comme on les appelle en Français, ont souvent un rythme effréné, ça fuse, ça claque des portes et ça court un peu dans tous les sens.

Il y a des thèmes récurrents dans ces films comme celui des mariages et des remariages. Qui deviennent plus courants à l’époque aux Etats-Unis en tous cas à Hollywood. Mais il y a aussi un autre motif qui revient souvent, c’est celui des couples mal assortis. Il y a fréquemment une opposition entre d’un côté ceux qui travaillent pour vivre et de l’autre les héritiers. Comme c’est le cas dans l’impossible monsieur bébé (Bringing up baby) puisque si David est paléontologue, Susanne, elle, ne travaille pas.

C’est aussi un type de comédies dans lesquelles les femmes ont des personnalités très fortes.

C’est peut-être ce qui m’a marqué, quand j’ai vu le film pour la première fois. Les théoriciens du genre expliquent, à raison je crois, que les comédies romantiques sont aussi des héritières des Screwball comédies MAIS avec des perspectives beaucoup plus “conformistes” pour les personnages féminins. Je trouve ça fou qu’on ait pu atteindre un tel niveau de liberté et de folie dans l’écriture du personnage de Susanne Vance et qu’on ait fait machine arrière ensuite.

C’est vrai, même si on relève l’impertinence de Sally dans les années 80, avec cette scène dans laquelle elle simule un orgasme, son personnage dans le film est quand même loin d’être aussi hors cadre que celui de Susanne qui quarante ans plus tôt, n’en fait qu’à sa tête.

D’ailleurs ce que j’ai aimé dans ce film, c’est que c’est Susanne Vance qui gère les bails.

C’est elle qui décide, qui fait n’importe quoi et qui fait avancer l’histoire et elle a aucune limite, c’est un peu cathartique cette affaire. On la voit tout oser et c’est quand même très agréable. À la fois, on a envie de lui dire, “Mais c’est pas vrai, fais pas ça enfin, tu vois bien que tu cours à la catastrophe”, et en même temps… Elle finit toujours par s’en sortir même si elle a tout retourné sur son passage.

Je trouve aussi hilarant que les rôles de genre soient presque inversés.

David, elle ne le laisse pas en placer une, elle lui dit de ne pas trop la ramener, elle ne se laisse pas déstabiliser une seule seconde, même quand elle a tort. Et elle le woman’s plain tout le temps. Le culot de ce personnage me donne vraiment un sourire difficile à masquer.

Dans une des premières scènes du film, après qu’elle ait piqué la balle de golf de David, qu’elle ait conduit et cassé sa voiture. Il lui dit “Mais je n’en ai rien à faire que vous soyez assurée, c’est ma voiture je vous dis !” Elle lui répond “Oh eh dis donc, ça va, c’est votre balle de golf, votre voiture, votre rendez-vous, y a-t-il une seule chose au monde qui ne soit pas à vous ?” Il dit “Oui, dieu soit loué vous n’êtes pas à moi, je voudrais juste jouer au golf.”

Elle répond “Et bien vous êtes étonnant monsieur parce que je vous signale que vous êtes sur un parking là, pour jouer au golf c’est de l’autre côté qu’il faut aller.” Elle a un truc assez désarmant dans sa façon de répondre à tout au premier degré, alors qu’au fond elle sait très bien ce qu’ils veulent dire, mais elle fait comme si ce n’était pas le cas.

L’assurance que lui donne sa classe sociale, lui permet de déjouer le rapport de force homme-femme.

Plus tard, dans un bar luxueux, elle pique des olives dans l’assiette d’un client qu’elle ne connaît pas, et qui lui dit “Ben prenez l’assiette tant que vous y êtes” et elle répond : “Non, non merci ça va. Je vais juste m’asseoir. un peu.” Elle entraîne tout le monde dans des situations complètement lunaires, et c’est très drôle, je vous assure.

Il y a une scène où David lui dit : “Ce n’est pas que je ne vous aime pas, Susan. Après tout, pendant les moments de répit, je ressens une curieuse inclinaison envers vous, mais… eh bien, il n’y a pas eu du tout de moments de répit, en fait”. Et puis Cary Grant, enfin David, il finit par lâcher prise et suivre le mouvement, et à priori ça lui réussit plutôt bien. Même si là aussi, dans l’absolu tout dépend du point de vue.

Je suis assez fan de ce genre de film de manière générale, je crois que j’y trouve un plaisir un peu enfantin parce que c’est assez jouissif de les voir tout oser.

Je retrouve le même sentiment que j’avais, quand avec ma tante le dimanche matin, on allait chercher le pain en pyjama. C’est retrouver un peu le goût, la folie, mais en douceur. Vous l’aurez compris, ce film est formidable et il est régulièrement érigé comme un emblème aujourd’hui.

Pourtant lors de sa sortie, ça n’a pas été un franc succès, il n’a pas plu tant que ça. On a même appelé Katharine Hepburn le poison du box office quant à Cary Grant il est resté la star qu’il était déjà.

Mais Katharine Hepburn, il se trouve que dans la vraie vie aussi, elle avait de l’argent et elle a donc décidé de racheter son contrat à la RKO. Oui, parce qu’à l’époque les studios hollywoodiens achetaient les acteurs, ils les mettaient sous contrat et puis après ils les faisaient jouer là où ils voulaient pendant plusieurs années. Un peu comme des joueurs de foot, il y avait un petit mercato des acteurs. Ils se les achetaient les uns les autres.

Mais donc Katharine pour éviter d’être casée dans des films pas terribles, elle s’est rachetée son indépendance, on est d’accord il fallait quand même avoir les moyens… Mais ça lui a permis de triompher dans une pièce de théâtre Philadelphia story, qui deviendra un autre film que j’aime beaucoup d’ailleurs et dans lequel elle rejouera avec Cary Grant, ce film s’appelle Indiscrétions.

Il n’empêche que malgré ses déboires, Katharine Hepburn, est encore aujourd’hui l’actrice la plus oscarisée du monde.

Puisqu’on lui en a décerné quatre pour le titre de meilleure actrice, oscars qu’elle n’est d’ailleurs jamais venue chercher. Je crois qu’au fond, j’imagine que Katharine Hepburn c’est un peu Susanne Vance en tous cas, qu’elles partagent cette même audace que je trouve sacrément inspirante. Même si, bon, pour tout vous dire elle avait aussi la réputation d’être assez arrogante, après je sais pas, j’étais pas là. Peut-être que les gens étaient dans la jalousie, aussi. Va, savoir.

La morale de ce film (Bringing up baby) c’est un peu, ce qu’on trouve n’est pas nécessairement ce qu’on cherchait, enfin ce qu’on cherche n’est pas toujours ce qu’on trouve. Ou ce qu’on est heureux de trouver, n’est pas toujours ce qu’on pensait vouloir. Enfin je sais pas, enfin peut-être. Ce qui est sûr, c’est que je vous le conseille si vous avez envie de glousser et de faire un petit bon dans le temps, que vous avez envie de voir Cary Grant en robe de chambre et que vous voulez savoir comment on imite le cri d’un léopard, parce qu’on sait jamais ça peut toujours servir. J’en profite pour faire un appel du pied à tous les cinémas indépendants de France et de Navarre, pour leur dire, franchement s’il vous plaît, reprogrammez-le ce film (Bringing up baby), sur grand écran, et promis, on vient tous.

Bisette,

PS : Pour une raison complètement inconnue, je trouve que Susanne Vance, elle a quelque chose de Rebel Wilson dans l’attitude.

Ce que je veux dire, c’est que peut-être qu’aujourd’hui l’équivalent d’une Susanne Vance en terme culot ce serait les personnages joués par Rebel Wilson justement, particulièrement dans les dernières comédies romantiques ou presque sorties sur Netflix. Peut-être que j’invente, mais franchement regardez les, et dites-moi ce que vous en pensez, mais je pense qu’on tient quelque chose.

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