L’énigmatique Tim Burton a su marquer de son empreinte singulière toutes les facettes du septième art.

Rien ne prédestinait Tim Burton à devenir l’un des plus grands réalisateurs, producteurs et scénaristes de son temps. Mais son univers féérique et lugubre a su plus d’une fois créer la surprise au box office. Reconnaissable entre mille, son style mettant régulièrement en scène son ancienne compagne Helena Bonham Carter et son acteur fétiche Johnny Depp envoûte depuis plusieurs années notre imaginaire. Retour sur le parcours d’un génie parfois incompris.

Les fantômes de l’enfance de Tim Burton

Né le 21 août 1958 , Timothy Walter Burton grandit à Burbank, une banlieue de Los Angeles. Ses parents le barricadent souvent dans sa chambre. Lorsqu’il s’en extirpe, il délaisse pourtant le soleil californien pour les salles obscures. Friand de films de monstres, il ne se lasse pas de regarder Frankenstein, Godzilla ou encore Dracula.

Il se prend notamment d’admiration pour Vincent Price, un des maîtres d’épouvante de l’époque, sans se douter encore qu’il aura plus tard la chance de collaborer avec lui. Dans cette ville aux pelouses toujours bien tondues et aux voisins envahissants, le jeune Tim Burton pour l’heure s’ennuie. Il peine à trouver autour de lui un écho à son imagination déjà débordante.

Alors pour rompre la monotonie, il s’amuse à effrayer un des enfants du voisinage à coup d’histoire d’invasion imminente d’extraterrestres. Il cultive en parallèle un goût pour la lecture des poèmes d’Edgar Allan Poe et un don pour le dessin. Armé d’une caméra Super 8, il s’évade entre deux coups de crayon dans la réalisation de courts-métrages.

Mais Burbank possède aussi de nombreux studios de cinéma réputés, comme Columbia, Warner Bros et Disney. Tim Burton décroche à sa majorité une bourse pour intégrer le California Institute of Arts. Il parvient à se faire remarquer et intègre un vivier de jeunes talents prometteurs pour Disney.

Tim Burton. Source : Wikimedia Commons
Tim Burton. Source : Wikimedia Commons

L’étrange relation de monsieur Burton avec Disney

Tim débute comme intervalliste chez Disney. Il travaille notamment sur Rox et Rouky ou encore Taram et le Chaudron Magique. Mais ses débuts se révèlent compliqués. Il éprouve toutes les peines du monde à comprendre l’univers manichéen et édulcoré de la firme aux grandes oreilles.

Grâce au soutien d’une productrice et d’un responsable du développement créatif, Tim Burton obtient néanmoins des fonds pour réaliser un film en stop-motion : Vincent. Celui-ci aborde l’histoire de Vincent Malloy, tiraillé entre sa vie de petit garçon et son admiration pour Vincent Price, l’idole de Burton. L’occasion pour lui de travailler avec celui qu’il admire tant.

On lui confie également le tournage de Frankenweenie. Il met en scène un jeune apprenti sorcier qui parvient à ressusciter son chien décédé. Mais ce court-métrage n’est pas au goût de tous et se voit affubler d’une interdiction aux moins de 12 ans.

Frankenweenie. Crédit : The Walt Disney Company France
Frankenweenie. Crédit : The Walt Disney Company France

Avant de claquer la porte de Disney en 1984, Tim Burton fait la rencontre de Danny Elfman, un compositeur hors pair avec lequel il collaborera beaucoup par la suite. C’est également à cette époque que Tim Burton écrit un poème qui donnera vie plus tard à Jack Skellington dans L’Étrange Noël de Monsieur Jack.

Le génie burtonien propulsé par Warner Bros

Tim Burton découvre avec la Warner Bros le script de Beetlejuice (à prononcer trois fois bien sûr). Dans cette comédie macabre, un jeune couple expédié dans l’autre monde suite à un accident de la route fait appel aux services d’une sorte d’exorciste pour faire déguerpir les nouveaux occupants de leur maison.  C’est à cette occasion que Tim Burton rencontre un de ses futurs acteurs vedettes : Michael Keaton.

Inspiré, Burton remanie le scénario de Beetlejuice pour maximiser son potentiel comique et apporter sa touche personnelle à la pop culture des années 80, marquée par des films tels que E.T et Les Goonies.

En 1989, il réalise Batman. Il en propose une interprétation éloignée des adaptations existantes, beaucoup plus sombre et fidèle à celle du comics original. La Warner croule sous les lettres de mécontentement de certains fans. Pour autant, le film remporte un franc succès et même un Oscar. Surtout, il exerce une influence déterminante sur toute une mise en scène de héros tourmentés qui animent encore nos écrans aujourd’hui. En 1991, Warner Bros fait de nouveau appel à Burton pour réaliser Batman : Le Défi. Sublimée par la partition de Danny Elfman, cette suite cartonne auprès du public et marque les esprits avec des scènes telles que la défenestration de Catwoman.

Michelle Pfeiffer dans le rôle de Catwoman. Crédit : Warner Bros
Michelle Pfeiffer dans le rôle de Catwoman. Crédit : Warner Bros

Un réalisateur aux mains d’argent

Avec Edward aux mains d’argent, Tim Burton produit sans aucun doute une de ses œuvres les plus personnelles. La Warner n’ayant manifesté que peu d’intérêt pour son scénario, il se tourne vers 20th Century Fox. Pour incarner son protagoniste, Tim Burton fait appel à Johnny Depp qui deviendra lui aussi l’un de ses acteurs fétiches.

Si l’intrigue est assez simple, son traitement se veut brillant et poétique. Elle nous présente Edward, qui vit reclus dans un château sombre surplombant une ville américaine tout en couleurs. Du moins en apparence. La mort de son créateur l’ayant laissé inachevé, Edward possède des ciseaux acérés en guise de mains. Jusqu’au jour où une femme le découvre. Elle décide de l’héberger et de le présenter aux autres habitants de la communauté.

Le film dresse tout du long un portrait acerbe d’une société américaine conformiste, sous la présidence de Reagan. Son esthétique outrancière dénonce la superficialité des habitants, qui pensent avoir concrétisé le rêve américain, mais s’enlisent en réalité dans une existence sans intérêt. Porté par l’interprétation d’un Johnny Depp au mieux de sa forme, Edward est une créature à l’esprit naïf et enfantin. Son histoire nous plonge dans la propre biographie de Tim Burton, tiraillé lui aussi entre un sentiment de solitude et l’impossible intégration à un monde trop différent du sien. Edward subit les assauts et les moqueries des habitants qui ne voient en lui qu’un monstre de foire, prouvant par la même occasion que les humains sont les véritables monstres de cette histoire.

Extrait d’Edward aux mains d’argent. Crédit : Harward Film Archive
Extrait d’Edward aux mains d’argent. Crédit : Harward Film Archive

L’univers burtonien

On doit à Tim Burton de nombreuses réalisations, tour à tour encensées ou critiquées, à l’image de La Planète des Singes. Tous ses films font la part belle à la différence, sublimant l’apparente bizarrerie des marginaux. Ed Wood, Mars Attack, Sleepy Hollow… Plusieurs d’entre eux sont restés cultes et il existe plusieurs livres autour de Tim Burton.

L’esthétique burtonienne, gothique et romantique, témoigne de thèmes récurrents :

  • des personnages tout en longueur ;
  • des disproportions ;
  • des spirales ;
  • des escaliers vertigineux et biscornus ;
  • une continuité de créatures et de monstres plus humains que les vrais ;
  • etc.

En outre, la mort est souvent présentée comme une porte vers un autre monde. Les défunts s’amusent. Boivent. Chantent. Dansent. Ils évoluent dans un monde paradoxalement plus coloré que celui des vivants, comme dans L’Étrange Noël de Monsieur Jack.

Tout un univers s’est développé autour de Burton. Crédit : Sandra Dall’Acqua
Tout un univers s’est développé autour de Burton. Crédit : Sandra Dall’Acqua

Certains fans semblent néanmoins déconcertés par les films burtoniens plus récents. Big Fish par exemple, raconte l’histoire d’un homme sur le point de devenir père alors même qu’il s’apprête à perdre le sien. Il laisse une curieuse impression, comme si perdre son âme d’enfant était une fatalité et que rien ne serait plus pareil désormais. Celui auquel on doit Charlie et la Chocolaterie s’est également attiré des critiques avec Alice au pays des Merveilles. La faute à Disney ?

De Burbank à Hollywood, Tim Burton a parcouru bien du chemin

Certains considèrent qu’il s’est laissé broyer par une machine cinématographique trop codifiée. D’autres décèlent en lui le génie d’un homme parvenu à le hacker de l’intérieur. Une chose est sûre, l’univers de Tim Burton ne laisse pas de marbre. Il a su donner vie à ses monstres, comme à ses rêves d’enfants. Peut-être la magie burtonienne n’opère-t-elle plus sur ceux qui ont grandi. Et si c’était cela le plus triste au fond ?

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Par  Sandra Dall’Acqua,

Diplômée en Histoire, Sandra a pris le virage du digital pour cultiver son amour des mots et mettre en lumière l'expertise de ses clients. C'est en freelance depuis La Réunion qu'elle exerce son activité de rédactrice web SEO. Une île intense, qu'elle a d'ailleurs à cœur de valoriser et de préserver. Sa plume agile aime explorer une grande variété de sujets. Surtout s'ils sortent des sentiers battus !

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