Que savons-nous vraiment de l’Eldorado et de la légende des Cités d’Or ? Aujourd’hui, un eldorado représente un lieu souvent inaccessible où tout est disponible à profusion, aussi bien les richesses que les plaisirs. La légende des Cités d’Or décrit justement ce type d’endroit, où même le sol serait pavé du précieux métal.  Mais de quoi est-il réellement question ?

De tous les points du globe partaient maintenant des solitaires, des corporations, des sectes, des bandes vers la terre promise, où il suffisait de se baisser pour ramasser des monceaux d’or, de perles, de diamants; tous convergeaient vers l’Eldorado. 

Cendrars, L’Or, 1925

De tout temps, l’homme a fait preuve d’une passion et une soif insatiable pour l’or. À partir de 1530, en pleine « conquête de l’Amérique », les européens entendent parler d’un lieu mystérieux où celui-ci coule à flots. Commence alors une chasse au trésor de plusieurs siècles à travers ce Nouveau Monde qui fascine, attire et cristallise les rêves de grandeur, dont l’évocation aura ensuite une grande postérité dans l’imaginaire collectif.

La quête sanglante de l’Eldorado

À l’origine, l’Eldorado et les Cités d’Or se réfèrent à deux légendes bien distinctes mais issues du même contexte historique et culturel. Toutes deux se fondent sur des faits attestés, dont la réalité a été déformée et amplifiée par l’imaginaire conquérant et vorace du 16e siècle. Pas étonnant quand on connaît le pouvoir évocateur des traditions anciennes.

  Détail d’un couteau à trépaner en or Inca, avec la permission de ©John Davis (Flickr), tous droit réservés
  Détail d’un couteau à trépaner en or Inca, avec la permission de ©John Davis (Flickr), tous droit réservés

À la source de la recherche de l’Eldorado : une légende précolombienne. Celle-ci  se réfère à une cérémonie pratiquée par les antiques souverains chibchas, au bord du lac Guatavita. On dit qu’ils se recouvraient d’or puis s’immergeaient dans le lac accompagnés de riches offrandes aux dieux. De là, le fameux « El dorado », l’homme doré des conquistadores espagnols. D’autant que ce peuple natif était réputé pour son orfèvrerie.

Une fois trouvé, le lac se révéla bien récipiendaire d’offrandes en or, mais l’on était très loin des monceaux de richesses attendus. Point découragés dans leur quête, nombreux furent ceux à s’y casser les dents voire à y perdre la vie. C’est le cas de Sir Walter Raleigh, noble anglais qui mourut des suites de son expédition, de même que toutes les personnes l’ayant suivi dans son projet. Lui décapité, les autres abattus ou suicidés…

À la recherche des mystérieuses Cités d’Or

Détail du Padrão dos Descobrimentos, ©Ophélie Gasiglia, tous droits réservés
Détail du Padrão dos Descobrimentos, ©Ophélie Gasiglia, tous droits réservés

Les Cités d’Or, quant à elles, sont liées au peuple Inca. Francisco Pizarro, conquistador de son état, avait entendu parler de même que nombre de ses contemporains de la cité Païtiti, entièrement faite d’or. Il captura donc l’empereur Atahualpa, en 1532, dans l’espoir de lui extorquer l’emplacement de cette mystérieuse cité. Pour s’assurer d’en tirer un bénéfice, il demanda aussi une rançon exorbitante pour sa libération.

On la lui promit, mais il décida malgré tout d’assassiner Atahualpa par peur des représailles. Apprenant cette trahison, les incas auraient disséminé le trésor dans la jungle. Les conquistadores auraient passé longtemps à essayer de regrouper le trésor, en vain.  C’est d’autant plus malheureux qu’au contraire des européens, l’or était précieux pour les incas non pas pour sa valeur marchande, mais bien spirituelle. C’était le symbole d’Inti, dieu soleil majeur dans leur culte. 

Depuis ces péripéties, l’Eldorado et la légende des Cités d’Or font partie intégrante de l’imaginaire collectif mondial. On les retrouve aussi bien dans les livres que dans les films ou la musique et Cadillac a même nommé Eldorado son modèle mythique !

Cadillac Eldorado Biarritz de 1956, ©Steve Harvey (Unsplash), libre de droit
Cadillac Eldorado Biarritz de 1956, ©Steve Harvey (Unsplash), libre de droit

Un vaste héritage livresque

En littérature, on retrouve souvent l’Eldorado comme métaphore des aspirations irréalisables de l’être humain, toujours en quête de plus, de mieux et d’ailleurs.

Dès le  18e siècle, dans le conte Candide de Voltaire. Il y est présenté comme un pays merveilleux fait de plaisir et d’abondance. Cette utopie permet au philosophe de dénoncer les abus de la société de son temps.  

Edgar Allan Poe, auteur anglais plus connu pour ses Histoires Extraordinaires, en écrit un poème en 1849, qui lui aussi met en garde contre les chimères.

« […] Mais il se fit vieux, ce chevalier si hardi, et sur son cœur tomba une ombre, comme il ne trouvait aucun endroit de la terre qui ressemblât à l’Eldorado […]»

L’époque contemporaine continue à filer cette métaphore, toujours nécessaire comme miroir de la société. Laurent Gaudé en fait le titre de son roman paru en 2006. Il écrit en effet Eldorado en réponse à l’actualité tragique des conditions de l’immigration clandestine au 21e siècle.

  Bateau échoué sur la mer, ©Amirhossein Khedri (Unsplash), libre de droit
  Bateau échoué sur la mer, ©Amirhossein Khedri (Unsplash), libre de droit

La légende sur nos écrans… et dans nos oreilles !

On ne peut pas évoquer la légende des Cités d’Or sans citer la série animée bien connue des enfants des années 80, « Les Mystérieuses Cités d’Or ». Cette fiction historique met en scène la découverte et l’exploration des Amériques à l’époque des Grandes Découvertes. Ah ce générique…

L’histoire de cette quête folle, synonyme de rêve et d’aventure a aussi été reprise par les studios Dreamworks dans « La Route d’El Dorado » en 2000.

Du côté des adultes, on aime aussi à porter ce sujet à l’écran. En 1966, le film « El Dorado » de Howard Hawks, avec John Wayne dans le rôle principal, rencontre un franc succès. On retrouve ici le pur style du western américain, avec un conquistador nouveau genre, héros invincible pour lequel bien sûr, tout est bien qui finit toujours bien.

Film El Dorado avec John Wayne
Film El Dorado avec John Wayne

On retrouve même l’imaginaire lié à l’Eldorado et son potentiel critique en musique. Le groupe de hard rock Iron Maiden s’en sert ainsi pour faire un procès du capitalisme et de la société de consommation, dans sa chanson éponyme sortie en 2010.

On a cold winter’s night You’ll be sailing for glory […]/ El Dorado, come and play /El Dorado, step this way / Take a ticket for the ride / El Dorado streets of gold / See my ship is oversold / You got one last chance to try 

Ainsi, souvent repris comme symboles de la cupidité et la vanité de l’être humain, l’Eldorado et les Cités d’Or peuvent aussi être considérés comme une illustration de la puissance de l’espoir et de l’imaginaire. Quant à leur existence, le mystère demeure et on peut toujours y rêver… ou décider de se consacrer aux autres trésors d’Amérique Latine ! Elle en regorge, à commencer par ses magnifiques paysages de montagnes, ou par l’histoire et les traditions des peuples natifs des Amériques, encore trop peu connues par beaucoup.

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Par  Ophélie Gasiglia,

Culturomaniaque toujours en vadrouille, je suis une habituée du syndrôme de Stendhal. Véritable couteau-suisse des métiers du livre et de la culture, je suis à la fois libraire aux goûts éclectiques, jeune rédactrice et aspirante traductrice. Mes marottes : les mythes et légendes, les cultures hispaniques, les danses du monde, et le chocolat !

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