Périodicité souvent aléatoire, durée de vie relativement courte, sans dépôt légal… Le fanzine est souvent imprimé et diffusé en dehors des circuits administratifs conventionnels.

L’utilisation massive de nos récents appareils tels que l’imprimante, la photocopieuse ou le scanner n’intimident en rien ce support alternatif. Les procédés traditionnels de fabrication y restent en vigueur. Édition à la main sur papier carbone. Miméographie avec stencil ou pochoir. Empreinte par frottages sur support en relief. Transfert à l’acétone. Immersion dans l’histoire du fanzine où s’encrent autant de pages que d’initiatives citoyennes.

Il était une fois le papier

Média alternatif par excellence, le fanzine vient de la contraction de l’anglais « fanatic magazine ». Il tirerait son origine des premières pages consacrées au courrier des lecteurs dans des magazines de science-fiction. Le mouvement débute durant les années 1920 et 1930 aux États-Unis. Il parvient en France lors des événements politiques et sociaux de mai 1968. La pratique, associée à la bande-dessinée, au polar et à la poésie des années 50, devient alors revendicative et militante.

Pêlemêle de Fanzines
Pêlemêle de Fanzines

Prônant la liberté d’expression et l’anticonformisme, le fanzine s’imprime ensuite dans les imaginaires collectifs. Notamment au sein du mouvement punk de la fin des années 70, de la Grande-Bretagne à l’Europe toute entière. Son style devient, au fur et à mesure des années, toujours plus insolent. Evoluant alors vers le mouvement anarchiste, en dénonçant culture suburbaine et société de spectacle.

Le fanzine face à la montée en puissance du capitalisme et l’affirmation du consumérisme

Face à l’essor des Trente Glorieuses, le fanzinat entre en résistance et se voit menacé de déclin. Progressivement, de nouveaux milieux s’y intéressent. Alors que sport et supporters créent leurs fanzines, les étudiants en arts s’affirment par le biais de cette pratique.

Lorsqu’arrivent les années 1990, l’accès popularisé aux Internets comme, ensuite, à celui du Web 2.0 font naître un nouveau genre. Le e-zine, contraction de l’anglais « electronic fanzines », est né. Aujourd’hui, le fanzine papier est toujours fidèle à l’univers DIY et l’autoédition. L’écologisme, le féminisme ou les luttes LGBTQ+ se font les thématiques maîtres au rayonnement de ce procédé alternatif. Le fanzine fête ses cent ans.

Les fanzines incontournables, avant et aujourd’hui : découvrez la sélection de la rédaction !

1. Le premier

Considéré comme la première impression issue du fanzinat, The Comet, paru en 1930 aux États-Unis, publie les correspondances de fans de science-fiction. Le genre évolue ensuite, et se développe dans les années 40 et 50 autour de la bande dessinée, de la poésie ou du polar. Grâce aux progrès des procédés d’impression, essentiellement celui de la xérographie, les fanzines atteignent la sphère publique en se positionnant a contrario de la culture mainstream.

Fanzine Comet
Fanzine Comet

2. Le punk

La première édition de New Wave date d’avril 1980. Cultivant l’inédit, le marginal et le goût de l’inconnu, le fanzine anglais met en avant les musiques revendicatives et extrêmes de son époque. S’y côtoient les styles les plus radicaux : de l’industriel européen jusqu’à l’hardcore de la côte ouest américaine, des courants post-punk britanniques et internationaux jusqu’au punk-rock français. Depuis ses débuts et jusqu’à la fin de son histoire, il sera édité à la façon tabloïd : format d’origine britannique, il correspond à la moitié des dimensions d’un journal classique.

The New Wave
The New Wave

3. L’électronique

C’est en 1986 que paraît le premier des seulement douze numéros du célèbre Boy’s Own. Ce fanzine est un véritable témoignage de la jeunesse londonienne dans la révolution subculturelle engagée par la scène acid house de la capitale. Terry Farley, Steve Hall ou Andy Weatherall ont été à l’initiative de ces feuillets, décrivant avec humour et argot les fêtes, la mode et surtout l’univers sonore de ce mouvement électronique. Parmi ses auteurs, on compte notamment le musicien, dj et producteur britannique Paul Oakenfold. Également créateurs d’un label à l’origine du son brit house, mais aussi organisateurs de soirées clandestines dans des entrepôts vers Southbank ou dans des champs, Boy’s Own reste, aujourd’hui, un incontournable de l’histoire du fanzinat.

Fanzine Boy's Own
Fanzine Boy’s Own

4. Le geek

Dans les années 90, émergent de nouvelles thématiques au sein du fanzinat. Pendant plus de quinze ans, on dénombre une quantité non-négligeable de fanzines liés à la culture japonaise, et plus particulièrement à celle du manga et des animés (ou japanime). À cet univers, s’ajoute celui en pleine ébullition du jeu vidéo : conjointement relié au premier, nait alors la culture geek de la fin du siècle dernier. Le premier d’entre-eux fut Mangazone, un fanzine créé en 1990 par l’association Saga, également éditrice de Scarce dédié à l’univers Comics.

Mangazone
Mangazone

5. Le sportif

En 1998, Skatedork voit le jour. Fanzine dédié au skate, sa culture et sa pratique, il est un des pontes du feuillet sportif, avec Sauce. Né d’abord sur le net du clavier de Steve Voss, ce n’est qu’ensuite qu’il s’insère en format papier dans l’espace public. Parmi ses auteurs, figurent Michael Brooke ou bien Bob Burnquist.

Fanzine Skatedork
Fanzine Skatedork

6. L’érotique

En libre-distribution depuis sa création en 2014 à Montreuil (93), Galante est un fanzine quadrimestriel érotico-féministe. Le concept ? Exposer librement et sans contrainte éditoriale un regard différent sur la sexualité, le plaisir et le corps. Ceci, en privilégiant l’utilisation de photos argentiques et la collaboration avec des artistes/illustrateurs indépendants comme Rémi Chauvrat, Clifto Cream, Pace Fox, Christian Herzog ou Yoonmi Song. Pour les fondatrices Zoé Zoo et Charlotte Herzog, l’image de la femme, construite bien trop souvent par le prisme de l’homme, demeure profondément réductrice. « La femme est érotique, oui, mais pas sans caractère, sans détermination, sans élégance, sans subtilité, sans naturel, sans talent, sans originalité et sans humour. Alors nous décidons de nous prendre en main pour parler des femmes sous l’angle qui nous correspond. »

Galante
Galante

7. Le militant intersectionnel

Terrain Vague est un fanzine grand format mêlant arts plastiques, articles critiques, fictions ou poésies. Lancé en 2015, il prône l’intersectionnalité des luttes et questionne les identités de genre, les sexualités, le militantisme LGBTQIA+ et celles d’autres minorités discriminées. Pour décrire le concept de cette revue auto-financée, le collectif emploie ces mots :

Les terrains vagues sont ces espaces en jachère qui apparaissent en creux, dans les villes, entre deux buildings neufs. Ils sont laissés à l’abandon et investis par tout ce dont la société ne veut pas. Ces endroits, parce qu’ils n’intéressent personne et surtout pas le capital, parviennent en partie à échapper au contrôle social et à la surveillance. Ils furent d’ailleurs et sont toujours des lieux de rendez-vous amoureux et de baise pour les minorités sexuelles. Dans ces espaces-rebuts au cœur des villes, le contrôle social s’exprime moins, des possibles s’ouvrent, les limites et barrières sont discutées, critiquées, démantelées par des pratiques de corps, de fête, d’économie souterraine, de mise en lien, d’activisme… Dans un terrain vague, pas besoin de permis de construire ! Mais, à disposition, une terre fertile pour toutes les herbes folles !

Fanzine Terrain Vague
Fanzine Terrain Vague

8. Le familial

Imaginé par Emmanuelle Eschembrenner, ce fanzine est à destination des enfants et leurs parents. Il a pour sujet la nécessité du rapport de l’homme à la nature, en sensibilisant les lecteur.ice.s à l’écologie. En format A5, ces feuillets se comptent par 24 au sein desquels se côtoient jeux, travaux manuels et histoires illustrées sur la planète bleue et ses habitants, sa faune et sa flore. De nombreux illustrateur.ice.s ont notamment pu contribuer au premier numéro, lancé en 2016.

Pollen
Pollen

Par Charlotte Gabriel,

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Charlotte, parisienne de naissance et marseillaise d’adoption, se passionne pour l’histoire culturelle, la sociologie et l’anthropologie du corps et des genres. Professionnelle polyvalente dans le secteur de la culture, elle aime jouer des finesses de l’écriture et vibrer de rencontres en partage. Son univers ? Les cultures alternatives, la french touch et les tendances artistiques émergentes.

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