Les Nike Zoom X Vaporfly ont défrayé la chronique. Des marathoniens ont augmenté leurs performances en les portant. C’est le cas de la Kenyane Brigid Kosgei au marathon de Chicago qui bat le record historique du marathon féminin. Mais aussi de Eliud Kipchoge, meilleur marathonien de l’histoire et champion olympique, enregistrant à nouveau un temps record sous la barre des 2 heures du marathon, en 2019. Est-ce là le futur du sport ?

La Fédération Sportive Internationale d’Athlétisme (World Athletics), aurait lancé une enquête contre cette chaussure en vue d’une potentielle interdiction. Un scandale qui montre toute la complexité du contrôle des innovations sportives. Des équipements à la pointe qui remettent parfois en cause les valeurs éthiques du sport. Là où la frontière entre innovations sportives et dopage technique s’avère bien mince.  

Cette polémique n’est pas sans rappeler celle des combinaisons SPEEDO de natation en polyuréthane, portées pendant des compétitions de natation. Elles ont été finalement interdites en 2010.

Une technologie aboutie, fruit d’une longue course à l’innovation

Benjamin Carlier, directeur associé chez Olbia Conseil, connaît bien le sujet de l’innovation sportive. De 2014 à 2017, il est directeur de l’incubateur sportif Tremplin. Pour lui, les innovations au niveau des équipements ont toujours existé. Et depuis quelques années, elles ont nettement accéléré.

En cyclisme, les vélos sont de plus en plus perfectionnés, ce sont presque des fusées. Il est même arrivé que certains sportifs cachent des moteurs dans leurs vélos.

Nasser, préparateur physique ajoute qu’actuellement, les innovations sont bien utiles en matière d’équipements dans tous les domaines. En athlétisme, où les perches sont conçues en fibre de verre depuis les années 80. Ou même en boxe avec des gants désormais plus légers et mieux rembourrés. Ces gants de boxe peuvent même être connectés comme la paire Ipunch, truffée de capteurs de données. Les chaussures de boxe ont elles aussi évolué.

On a eu beaucoup de problèmes en matière de chaussures. Elles sont maintenant plus légères et ont un meilleur amorti. J’ai déjà été témoin du cas d’un boxeur amateur qui ne sentait plus ses appuis à cause de chaussures peu adaptées et cela inhibait sa force et sa vitesse.

La conception des innovations s’effectue dans des laboratoires de recherches et de développement où le futur du sport se joue

Ils font alors subir une batterie de test biomécaniques aux équipements avant leur vente. Ce sont ces tests qui ont amené à développer la paire de chaussures Nike Zoom X Vaporfly. Finalement composée d’un nombre important de lamelles de carbone dans la semelle. Le mesh (tissu résille ou maille utilisé dans les équipements sportifs) est plus respirant. Au niveau de la semelle et du talon, la mousse est davantage protectrice. La technologie de la plaque de carbone n’est pas seulement l’apanage de Nike car elle est aussi utilisée par d’autres concurrents comme Hoka One One. 

Bruno Heubi, 60 ans, spécialiste des courses de grand fond, pratique la course de compétition sur routes depuis l’âge de 12 ans. Il s’est classé à deux reprises champion du monde du 100 km de Millau. Lui, qui soulignait, auparavant, un manque de médiatisation de la course à pied, voit d’un bon œil certaines innovations. Il nous informe sur cette chaussure de haute technicité mais onéreuse et facilement usable.

L’idée c’est la légèreté. Avoir des chaussures ultra légères donne un effet de levier et cela permet de gagner en efficacité.  L’effet rebond du pied est optimisé grâce à une mousse hyper dynamisante.

A l’image de la paire Nike X Vaporfly, les innovations au niveau des chaussures de course sont monnaie courante comme le précise Nasser. Dans le futur, certaines chaussures pourront enclencher la production de substances biologiques utiles en terme de performance.

Sachant que la voûte plantaire du sportif possède des capteurs naturels, on peut perfectionner la semelle de ses chaussures pour qu’elle puisse stimuler des substances lymphatiques à l’intérieur des pieds. Il y a aussi des études qui se font pour trouver des moyens de déclencher l’adrénaline via la chaussure elle-même. 

Les sportifs pourront prochainement porter des chaussures intelligentes avec des semelles instrumentées munies de capteurs.

Optimisation de l’entrainement, moyen naturel pour booster ses performances

Bruno Heubi, aussi professeur agrégé en éducation physique, nous fait part de plusieurs techniques d’entraînement.

Quand je suis arrivée en Équipe de France il y a 25 ans, il n’y avait pas de méthodes à proprement parler. Serge Cottereau a mis au point une méthode d’entraînement reconnue dans les années 80. Pour moi il y a trois piliers pour la course : la puissance VMA (Vitesse Maximale Aérobie) qui consiste à gonfler sa puissance pendant les entraînements. La deuxième clé de voute de l’entraînement est l’endurance, c’est-à-dire la capacité à utiliser l’EMA (Endurance Maximale Aérobie), mon point fort en compétition. Enfin, la troisième clé de l’entrainement, c’est l’efficience soit la capacité à courir avec le moins de perte d’énergie possible.

Bruno Heubi confie que rien qu’en s’entrainant à une certaine vitesse, la foulée va naturellement s’améliorer.

Même constat pour Nasser, préparateur physique depuis 20 ans en boxe, cross-fit, fitness et autres sports de combats de percussion. Par le seul biais de l’entraînement, les sportifs ont pu acquérir toujours plus de facultés.

On peut déjà agir naturellement sur la performance avec des méthodes innovantes d’entraînement. Il y a par exemple le travail fractionné ou en continu. L’entrainements en hypoxie qui consiste à pratiquer son sport à 1800 mètres d’altitude afin d’augmenter la quantité d’hémoglobine dans le sang et donc l’oxygène. Respecter le biorythme permet d’optimiser là encore les performances sportives. Notamment en s’entrainant par exemple à certains horaires où son pic de forme est le plus élevé. 

Le futur du sport : des innovations à l’encontre des valeurs du sport et de l’humain

Quand ces innovations et équipements très sophistiqués creusent des inégalités, la valeur fondamentale du fairplay est mise à mal. La technologie ne doit pas prendre le pas sur l’humain.

À partir du moment où on modifie ses performances, on n’est plus dans la philosophie du sport. L’éthique du sport c’est que les gens soient à armes égales. 

Même constat pour Nasser, pour qui, le sport ne doit pas être dénaturé par trop d’innovations. Le Comité Olympique International veille à ce que les records mondiaux soient réalisés par l’espèce humaine sans moyens additifs, il y a tout un staff derrière les sportifs.

L’athlète ne peut pas se munir de n’importe quel équipement. Il doit se plier aux directives. Chaque Fédération est habilitée à les homologuer. World Athletics met en place, elle-même, les poids, les perches, lors des championnats du monde d’Athlétisme.

 Parfois, certaines innovations peuvent être controversées comme la cryothérapie corps entier. Une technique qui consiste à soulager ses douleurs par le froid et accélérer sa vitesse de récupération. Le regain d’intérêt pour cette pratique a entrainé des accidents inattendus comme des brulures.

Vers un meilleur contrôle des équipements et des innovations par les fédérations ?

Le principal bémol réside dans la réactivité des Fédérations et la transversalité des instances sportives. Nasser insiste sur la difficile coopération des industriels avec le milieu du sport. Il est difficile de s’approcher de la recherche et du développement industriel.

Je sais que Nike a parfois du mal à mettre en vente ses innovations car il y a un vide juridique concernant ces équipements industriels. Il faudrait pouvoir aviser plus facilement ces instances industrielles et qu’il y ait des délégués pour faciliter les interactions.

Pour un meilleur contrôle des équipements innovants, le premier besoin est de fixer un cahier des charges clair d’après Benjamin Carlier. Une fois que ces règles sont fixées dans le cahier des charges, certains vont quand même contourner les règles ou s’engouffrer dans un vide juridique.

Les instances de régulation sont nécessaires. La frontière est mince entre l’optimisation matérielle et la triche avérée. Il sera peut-être possible de mettre au point des innovations technologiques pour repérer ces triches.

Karim Arouaz, Éducateur Sportif, à POING D’1 PACTE 65, surenchérit sur cet aspect.

Je pense que les sportifs partent du principe que tout ce qui n’est pas interdit est permis. C’est aux Fédérations internationales et au Comité Olympique International de fixer les règles très spécifiques à chaque sport en toute transparence.  Il est nécessaire de réglementer l’utilisation de ces équipements dans un soucis d’équité et surtout de transparence.

Le futur du sport : pas de réelle tendance au « dopage technique »

Pour Benjamin Carlier, le dopage de manière générale est symptomatique du monde contemporain.

Dans le monde moderne tout est exacerbé. Les sportifs ont envie de gagner. Ils dépensent de plus en plus dans le matériel sportif. Il y a aussi un ressort financier à prendre en compte. Une victoire signifie aussi une rentrée d’argent et cela peut être une motivation supplémentaire. Suffisante pour pousser au dopage de manière générale. Cependant, il n’y a pas vraiment de tendance croissante au dopage technique.

Nasser nous assure que l’humain augmenté en sport n’est pas pour maintenant. Les coureurs de marathons peuvent tout à fait atteindre de grandes performances sans équipements à la pointe voir sans chaussures comme cela a été le cas pour plusieurs sportifs. Parmi eux ? Abebe Bikila, un Ethiopien gagnant de l’or olympique en 1960 à Rome ou plus récemment Sidy Diallo qui court plusieurs marathons dans le monde, pieds nus.

Pour Nasser, tout se joue surtout au niveau des prédispositions naturelles plutôt qu’au niveau des équipements.

La chaussure ne fait pas le marathonien. Saviez-vous qu’un coureur peut lui-même jouer naturellement sur le retardement de son rythme cardiaque. Un sportif bien entrainé peut dès aujourd’hui dépasser le record de 100m qui était avant de 10 secondes dès les années 60. Comme pendant les JO de Pékin où certains ont clairement fait moins de 10 secondes. On a remarqué que chez les sportifs de haut niveau, il y avait des améliorations physiques qui s’opéraient. Par exemple, Usain Bolt, recordman du 100 mètres, avait des épaisseurs importantes au niveau des quadriceps, une physionomie unique. 

De nos jours, on cherche même à savoir comment récupérer rapidement en moins de 72 h. Une course à la performance dans laquelle les sportifs, de tous pays, sont engagés.

D’après CNET France, Hugh Herr aurait mentionné que ces technologies d’amélioration de la performance permettront aux sportifs de “repousser les limites humaines, mais aussi de créer de nouveaux sports”

Un bon point pour les innovations dans le domaine du sport. Ce foisonnement d’innovations entraîne un intérêt plus prononcé des sportifs, nettement plus en recherche qu’avant d’équipements à la pointe.

Dans cette optique, les start-up du réseau French Tech Sports se mobilisent pour créer plus de liens avec les acteurs du monde du sport. Et elles promeuvent ces technologies innovantes tout en favorisant le rapprochement entre sportifs professionnels et startups du sport. Les baskets Nike X Vaporfly, les objets connectés comme le GPS et les capteurs d’analyse sont autant d’innovations techniques récentes dans le domaine du sport.

Autre innovation : le Bike Fitting qui permet une étude posturale, un moyen de trouver la meilleure position pour optimiser ses performances. Pour exemple, la technologie de mesure GebioMized peut déterminer la pression au niveau de la selle au moyen de 64 capteurs sur les selles.

Après plus de 15 ans d’expérience centrée sur l’utilisation de selles sur mesure pour le cyclisme, après plus de 50 000 analyses de nos cartographies de pression de selle sur des milliers et des milliers de cyclistes, nous avons décidé de présenter notre propre gamme de selles

annonce GebioMized

Sans oublier les lames de course en carbone des athlètes paralympiques toujours plus perfectionnées à l’image des Flex Foot Cheetah portées par Oscar Pistorius.

Parfois les Fédération ne suivent pas et la limite du dopage technique est franchie

Ce fut le cas pour les Nike Zoom X Vapor Fly ou les combinaisons Speedo. En France, le tout premier cas de dopage technique a été répertoriée lorsqu’un cycliste, en pleine course amateur, a eu recours à un vélo muni d’un moteur à assistance électrique, caché dans le cadre de l’engin, en 2017.

Cette quête des dernières innovations sportives, notamment en matière d’équipements, reste tout de même sous le contrôle des Fédérations. Les seuls maîtres à bord de leur homologation. Rien ne présage encore l’apparition de l’humain augmenté dans le futur du sport parce que la philosophie du sport basée sur le fair-play reste intacte, presque gravée dans la roche.

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Article concocté par Audrey Poussines 

Journaliste web et print passionnée par les faits de société, la culture, l'environnement, le sport et bien d'autres rubriques. En matière de sport, je suis très intéressée par les sports extrêmes. Je suis aussi une fan d'art urbain et d'art moderne, de gastronomie du terroir et exotique, captivée par tout moyen d'expression : danse, littérature, musique...

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