Si le personnage mondialement connu de James Bond reste un incontournable des films d’espionnage, peut-on encore lui vouer le culte qui fut un jour le sien ou est-ce que mourir ne peut plus attendre ?

Presque soixante ans après la sortie de James Bond 007 contre Dr. No, l’agent secret n’a (presque) pas pris une ride. Mais comment a-t-il pu conserver une identité aussi forte quels que soient les acteurs qui lui ont donné corps ? Si l’agent britannique a su rajeunir avec son temps, est-ce que ses œillades en cascade et ses smokings sur mesure suffisent à justifier ses travers ? Alors que son matricule s’apprête, n’en déplaise à certains, à être attribué à une femme, peut-on encore aimer James Bond malgré ce qu’il représente ?

James Bond contre Dr.No
James Bond contre Dr.No

Mister ? Bond, James Bond

Aujourd’hui le nom de James Bond évoque pour nous tous un personnage emblématique du film d’espionnage. C’est pourtant au départ celui d’un ornithologue américain à qui l’auteur de la saga, lui-même passionné d’ornithologie, a emprunté le patronyme. Créé par Ian Fleming en 1953, James Bond est un personnage qui se distingue par son courage, sa ténacité et son goût prononcé pour les femmes. Il est l’un des meilleurs agents secrets du service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni, le MI6, qu’il a d’ailleurs contribué à rendre célèbre. Malgré l’essor fulgurant du roman d’espionnage à partir des années 50, le matricule 007 reste une figure unique dans le paysage de la littérature et du cinéma, une figure plébiscitée autant par le public que par les médias.

D’où vient le succès ?

Si les livres ont immédiatement rencontré le succès, ce sont les adaptations télévisuelles d’abord, puis cinématographiques qui ont surtout marqué les esprits. En pleine guerre froide, cet agent infaillible qui voyage dans les endroits les plus luxueux de la planète en déjouant les plans machiavéliques et improbables de ses contemporains effraie et rassure. Ses cascades mémorables et remarquablement réalisées -notamment par celui que l’on appelle le casse-cou du cinéma français, Rémy Julienne- défraient la chronique. Chaque nouvel acteur réactualise le personnage à sa manière, l’ancre dans une époque et reflète sinon l’homme idéal, une version discutable de celui-ci.

Des acteurs comme s’il en pleuvait

Ils sont six à avoir enfilé le smoking du plus célèbre des agents secrets. Que ce soit à travers Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan ou encore Daniel Craig, le personnage évolue – au moins physiquement. Tous n’ont pas marqué les esprits mais si James Bond n’a aucun mal à rester jeune, c’est bien parce qu’il change régulièrement de traits. Paradoxalement, c’est sans doute ces nombreux changements qui stabilisent le succès du personnage et rendent pérenne sa popularité, auprès des générations qui se succèdent parmi les fans de la saga.

De James Bond à Tintin, il n’y a qu’un Milou

Après Pierce Brosnan, c’est Daniel Craig, 37 ans à l’époque, qui prend le relais, rien que pour vos yeux. Si le public n’était au départ pas unanime face au choix de la production, il semble pourtant relever le défi haut la main. Non content d’avoir séduit la plupart des réfractaires, il a même été nommé au BAFTA dans la catégorie meilleur acteur, une première pour un interprète de James Bond. Après Skyfall, le plus gros succès commercial de la franchise, qui totalise à lui seul plus d’un milliard de dollars de recettes, Daniel Craig signe de nouveau pour deux films. Cependant sa carrière ne se limite pas à son rôle d’agent secret puisqu’il interprète en parallèle Lord Asriel dans la trilogie À la croisée des mondes ainsi que Rackham le Rouge dans l’adaptation du célèbre Tintin d’Hergé par Spielberg.

Permis de filmer

Si les auteurs, réalisateurs et acteurs de la Saga changent régulièrement, il y a une chose qui, elle, ne change pas, ou si peu, il s’agit de la société de production à l’origine de presque tous les films de James Bond. En effet, la société EON Productions (Everything or Nothing) a acquis les droits d’adaptation de la quasi-totalité des romans mettant en scène l’agent 007. EON Productions détenant depuis les années 2000 la totalité ou presque, des droits d’adaptation de la saga, il est peu probable que qui que ce soit d’autre se lance dans ce projet. D’ailleurs d’après la rumeur même Quentin Tarantino aurait tenté d’obtenir les droits d’adaptation de Casino Royale, sans succès.

Un homme, un vrai ?

Il désire, il prend, il tue… Impulsif et caractérisé par l’excès en tout, il met le feu aux poudres, embrasse des femmes considérées comme sublimes et boit comme si sa virilité en dépendait. Il est fort, musclé, séduisant. Cela lui donne le droit de faire ce qu’il entend sans respecter aucune règle. Il sait tout, mieux que tout le monde. Il sait même mieux que Q, le Quartier-maître qui souvent l’accompagne. Ce personnage clé qui élabore des gadgets à la pointe de la technologie est pourtant un scientifique compétent et ingénieux.

Mais il est par ailleurs celui pour qui les femmes n’éprouvent pas d’attirance, il est extrêmement intelligent mais donc fatalement, socialement inadapté… En tous cas c’est l’hypothèse que la saga tend à valider. James Bond, même quand il ne sait pas, lui impose sa vision des choses, prend son sérieux en dérision et se permet de suivre ses propres intuitions sans tenir compte des avertissements qui lui sont donnés. Le problème n’est pas que ce rapport existe mais bien que l’histoire lui donne souvent raison, justifiant ainsi son manque de considération pour ceux qui l’entourent, parce qu’au fond c’est cela être un homme, un vrai ?

Où sont les femmes ?

Les femmes quant à elles sont dangereuses. Elles séduisent, trahissent et meurent à l’occasion comme le montre le destin tragique des James Bond Girls, qui passent bien souvent d’une emprise à une autre. Plus récemment le personnage de M, cheffe du MI6, est interprété par Judi Dench qui succède à ses précédents interprètes, tous masculins. Une arrivée qui coincide avec celle d’une femme, nommée Directrice Générale à du MI5 en 1992.

Comme quoi, même s’il n’est pas en avance, James Bond évolue (un peu) avec son temps. Ceci étant, lorsqu’elles sont intelligentes, sages ou puissantes, elles sont souvent âgées et/ou asexuées, comme le personnage de Miss Moneypenny, la secrétaire de M. Réducteur ? Peut-être. Mais en définitive, les femmes, James Bond passe son temps à les séduire, les défier, les ignorer ou les défendre, ce qui, avouons-le, est un peu réducteur, justement.

C’est dans les vieux pots…

Fresque de street art représentant James Bond
Fresque de street art représentant James Bond

De la musique aux personnages, tout l’univers de Bond est codifié. Nous avons nos repères, de la scène d’ouverture au générique iconique en passant par le thème musical parfaitement identifiable de Monty Norman. Les personnages secondaires sont régis par des codes qui opèrent quelques variations, comme des petites musiques d’ascenseurs, laissant au personnage principal, tout le loisir de jouer du violon.

Ce qui rythme les films, ce sont des motifs, ils diffèrent d’un opus à l’autre et évoluent mais sont récurrents : des voitures, des cocktails, des filles, des bateaux, des avions et beaucoup d’explosions. Les hôtels sont luxueux, les filles souvent nues et les méchants très méchants. C’est d’ailleurs ce qui donne un aspect rassurant à tous ces films qui jouent avec le feu. On connaît la chanson voire même la fin, mais ce que l’on ignore ce sont les péripéties que l’agent de Sa Majesté devra traverser pour y parvenir. La structure est toujours identique et c’est aussi de là que vient le succès.

Qui ça, qui ça ?

Quel est l’idéal masculin ? Qui est le plus fort ? Qui est digne de confiance ? Que veulent les femmes ? Qui a le droit ? À toutes ces questions, James Bond répond : Bond, James Bond.

S’il est possible de percevoir au-delà des clichés sexistes, l’évolution de nos sociétés occidentales, de leurs inquiétudes et de leurs désirs. On y voit également l’immobilité de nombreux clichés et le manque cruel de diversité dans nos représentations. Ainsi, si le culte peut sans doute perdurer, il semble aujourd’hui nécessaire qu’il se renouvelle, car si la fiction n’est pas la réalité, elle participe à la construire. On pressent une évolution, tardive certes, mais notable dans les derniers choix de la production, Lashana Lynch, une femme, noire de surcroît, incarnera le nouvel agent secret au matricule 00 et c’est tant mieux, même s’il est déjà un peu tard.

Et après ?

Daniel Craig a annoncé qu’il ne reprendrait pas le rôle du célèbre espion et les paris vont bon train concernant le futur acteur qui l’incarnera. Plusieurs sont annoncés de façon récurrente et chacun aura son lot de surprise. Alors qui de Idris Elba, Henri Cavill, Tom Holland, Tom Hardy, Benedict Cumberbatch ou encore Tom Hiddleston vêtira le costume ?

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Par  Marion Labbé-Denis ,

Curieuse de tout, amoureuse des trains et fan de Joe Dassin, elle collectionne les stylos BIC et les questions existentielles. Aujourd’hui, en poste dans le spectacle vivant, elle peut donner libre court à sa passion déraisonnée pour la photographie et les salles obscures, qu’il s’agisse de musique, de théâtre ou de cinéma.

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